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sans que le danger couru par les biens communs du fait du mari fût bien établi et elle devenait pour celle qui l’obtenait un moyen de soustraire jusqu’à sa dot, affectée pourtant ad onera matrimonii, aux dettes inséparables des charges et des emplois dont elle avait partagé l’honneur.

La séparation de biens sauvegardait tous les droits de la femme commune. Le remploi servait à lui assurer la conservation de ses propres. Il s’exerçait pendant la communauté aussi bien qu’à sa dissolution, soit par application d’une clause du contrat de mariage, soit en vertu d’une clause de l’acte d’aliénation du propre. Le prix de celui-ci, au lieu de tomber dans la communauté, était remployé en un autre immeuble.

Bien qu’il ne soit question de l’hypothèque légale ni dans la première, ni dans la seconde coutume de Paris, elle semble avoir été adoptée dans les pays coutumiers, peut-être sous l’influence du droit écrit, dès le milieu du XVIe siècle. Elle garantissait l’exécution des conventions matrimoniales et l’exercice des recours de la femme et résultait du contrat de mariage ou simplement de sa célébration.

Au moment de la dissolution de la communauté, l’épouse commune trouvait différens moyens pour défendre ses intérêts, soit qu’elle eût à obtenir le remboursement de ses avances soit qu’elle eût à soustraire au passif sa part ou ses propres. Elle pouvait renoncer à cette communauté ou en poursuivre la liquidation de façon à faire ressortir la distinction entre la masse commune, son patrimoine personnel et celui de son conjoint, et en usant, pour rendre le sien indemne et réaliser ses avantages nuptiaux, des ressources que la législation nouvelle, œuvre de Du Moulin et de son école, avait mises à sa disposition : bénéfice d’émolument, récompenses, reprise d’apport franc et quitte, règlement du douaire. Elle entrait naturellement aussi en possession de sa part.

Il y avait eu un temps où l’opinion publique s’était montrée sévère pour la renonciation. Elle y voyait un blâme infligé à la mémoire du mari pour sa mauvaise administration. Patru va jusqu’à dire qu’elle n’était pas moins mal vue que la banqueroute et la cession de biens. C’était le temps où la veuve la rendait publique en déposant sur la fosse sa ceinture, sa bourse et ses clefs. Bien qu’elle fût peu à peu remplacée par une déclaration au greffe, cette cérémonie n’était pas tombée en désuétude.