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proprie socia sed speratur fore, comme pour les autres de même sens, il faut faire la part du relief excessif que l’esprit de système tend toujours à donner à des vérités relatives.

C’est encore, comme le régime de communauté, au point de vue de la capacité de la femme mariée, des garanties et des avantages qu’il lui accordait, que le régime dotal nous intéresse. L’épouse dotale jouissait, au regard des biens, de beaucoup plus de capacité que l’épouse commune. Si elle ne pouvait, ni seule ni avec le concours de son mari, aliéner sa dot, sauf dans des conditions très particulières, si elle ne pouvait pas davantage renoncer à son hypothèque légale, elle avait l’administration et la libre disposition de ses paraphernaux.

Il semblerait d’abord y avoir une bonne raison pour expliquer cette différence. C’est que les pays de droit écrit, à l’exception de quelques-uns tels que le bordelais, l’Auvergne, ne connaissaient pas, en principe, la puissance maritale. Mais, comme elle y était, nous l’avons remarqué dès le début, remplacée par la puissance paternelle, cette raison est beaucoup moins bonne qu’elle n’en a l’air. La femme passait par le mariage sous l’autorité de son beau-père. En Limousin, c’était celui-ci et non le futur qui recevait la dot et qui l’administrait. Dans le Périgord, l’Agenais, le Quercy, pays de droit écrit comme le Limousin, les nouveaux mariés ne faisaient pas ménage à part. Ils venaient partager la vie du père du marié et des membres de la communauté familiale. Le chef de famille les nourrissait, mais s’appropriait, sauf conventions contraires, le produit de leur travail et les fruits de la dot. Le fils avait été, sous le nom d’héritier associé, institué par le contrat de mariage héritier universel, mais seulement en nue propriété, l’usufruit étant réservé au père et, à son décès, à la mère. Le contrat imposait aux futurs cette agrégation, dans une situation dépendante, à la copropriété familiale. L’émancipation venait quelquefois l’abréger, mais elle était trop profitable au père et à la mère pour qu’ils ne fussent pas jaloux de conserver jusqu’à la mort ou à une extrême vieillesse la situation de chef et de principal bénéficiaire de l’exploitation collective. Antoine Martin était marié depuis assez longtemps pour avoir eu six enfans au moins quand son père, Boniface Martin, qui était ce qu’on appelait en Provence un paysan ménager, se décida à lui transmettre la direction du domaine. Au moment où il se résigna à la retraite, il était riche et il