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circonscriptions plus étendues que les limites d’un seul département, au moins lorsque sa grandeur territoriale est au-dessous de la moyenne. Et pour nous prouver à quel point son opinion était bien fondée sur ce point, M. Poincaré a conclu que le rejet de l’apparentement des départemens devait obligatoirement entraîner l’adoption de l’apparentement des listes dans un même département. A dire vrai, nous ne comprenons pas très bien comment ce dernier mal corrigera l’autre, ou même l’atténuera ; la logique de cette corrélation nous échappe ; mais si on nous dit qu’une nécessité de tactique s’est imposée au gouvernement et qu’il a dû faire une concession à un assez grand nombre de réformateurs tièdes et hésitans qui ne promettaient leur vote que conditionnellement, émettaient des exigences, présentaient presque des sommations, alors nous commençons à comprendre : il a fallu faire la part du feu et on l’a faite. Nous ne le reprocherons pas au gouvernement : il n’était sans doute pas libre de faire autrement et, au total, une réforme boiteuse vaut mieux en ce moment que pas de réforme du tout. Il n’en est pas moins vrai que l’apparentement est en opposition directe avec le principe de la réforme. On sait en quoi il consiste : plusieurs listes peuvent, avant le scrutin, déclarer qu’elles s’apparentent et, en vertu de cette déclaration, elles sont admises à unir les voix qu’elles ont obtenues en sus du quotient électoral, pour se faire attribuer les sièges non pourvus. Qui ne voit à quelles combinaisons de toutes sortes, à quels marchandages, à quelles compromissions cette faculté ne manquera pas de donner naissance ? Le but, ou du moins un des buts de la réforme était précisément de faire les élections sur des listes qui représentaient des partis et des opinions définis, tranchés, exclusifs les uns des autres. Ce but ne sera pas atteint. Est-ce tout ? Non. La loi a des adversaires avoués, qui l’attaquent directement ; et à côté d’elle, parallèlement, un certain nombre de manœuvriers dont on ne serait dire s’ils sont amis ou ennemis, — ils sont tantôt l’un et tantôt l’autre, — lui portant de biais des coups qui l’entament. Ce sont eux qui ont fait voter l’apparentement ; puis, encouragés par ce premier succès, ils ont demandé une prime à la majorité. Le mot est moins barbare, mais la chose ne vaut pas mieux. Elle consiste à décider que la majorité, — sera-ce la majorité relative ou la majorité absolue ? on n’est pas encore d’accord sur ce point ; — mais enfin que la majorité aura une prime, c’est-à-dire un siège en plus de ce qui lui est strictement dû. Cette disposition est encore en opposition avec l’esprit de la loi, point n’est besoin de le démontrer, Cependant le gouvernement en a accepté le principe.