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dans notre division, où chacun, quoi que soit son rang, a voulu donner, a produit plus de 2 600 francs !

Dans cette journée du 7, continuation de vives escarmouches-aux avant-postes ; affaire brillante de Ladonchamp, menée par le général Deligny avec les voltigeurs de la Garde.

La dernière espérance de sortir en masse dans la nuit du 7 au 8 octobre est déçue comme tant d’autres. Il ne nous reste même plus la pensée de pouvoir aller au dernier sacrifice pour l’honneur ! Nos squelettes de chevaux encore sur pieds auraient été, assurait-on, incapables de traîner un canon de 4 dans les terres détrempées. Nous aurions toujours eu nos fusils et l’arme blanche !

9 octobre. — La ration journalière de pain ayant été réduite à 300 grammes, celle de viande de cheval est portée à 750 grammes. Les chevaux ont atteint un tel état de dépérissement qu’on a grand’peine pour les faire marcher jusqu’à l’abattoir. Ils sont entièrement maigres et décharnés, leur viande ne contient presque plus de principes nutritifs, et, comme elle est mangée, sans sel, l’estomac se l’assimile difficilement.

Chez nos soldats, bien que le moral soit encore bon et que l’esprit reste excellent, les forces physiques diminuent à vue d’œil, les affections gastriques se multiplient de façon effrayante !

10 et 11 octobre. — Notre état de misère s’accentue.

Dans la soirée, un parlementaire prussien vient au Ban Saint-Martin pour s’entretenir avec le général en chef : il repart accompagné du colonel Boyer, premier aide de camp du maréchal Bazaine ; ce colonel va se rendre en mission au quartier général du roi Guillaume à Versailles. C’est la reprise ou la continuation des négociations Régnier dont il a déjà été question !

Le maréchal Bazaine voit avec terreur s’approcher le jour où il ne lui restera plus un cheval, ni un grain de blé à manger ! Il s’est laissé endormir par le fol espoir de réussir avec des négociations ; incapable jusqu’au bout, il est acculé à la nécessité de nous livrer sans merci, car nous n’avons plus la moindre chance de réussite en essayant un coup de force. Les jours qui suivent passent mornes et désolés ; ils ne sont marqués que par des canonnades continuelles dirigées contre nos positions ; l’artillerie de nos forts répond aux tirs des batteries ennemies.