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comprendre enfin, qu’après en avoir imposé à leurs adversaires par leur courage, ite devaient alors se faire respecter par leur dignité dans le malheur.

Je joins à ce travail ce bel ordre d’adieux aux troupes de la 1re division.


ORDRE DE LA DIVISION

Officiers, sous-officiers et soldats de la 1re division,

Nous avons combattu ensemble et supporté les plus rudes épreuves. Votre courage, votre constance et votre discipline ne se sont pas un instant démentis : vous avez excité chez vos ennemis un sentiment d’admiration et de respect.

Malgré vos efforts valeureux, le sort des armes ne nous est pas favorable.

Nous ne sommes pas vaincus, mais nous cessons la lutte devant des armées innombrables et devant la famine ! Nous avons épuisé toutes nos dernières ressources ; notre pays ne peut nous demander davantage, car, après avoir livré plusieurs sanglantes batailles, vous avez fait tout ce que l’on pouvait attendre de vous pour donner à la France le temps de s’armer et de se défendre.

Malheureusement, aucune armée de secours ne peut venir à nous.

Forcés de subir une bien douloureuse fatalité, vous partirez d’ici le front haut, car votre honneur est sauf !

Vous allez entrer en Allemagne pour y séjourner pendant peu de temps, je l’espère. Je suis convaincu que vous subirez cette dernière épreuve avec dignité et calme, comme il convient à des hommes d’honneur. Vous continuerez dans l’exil à vous faire respecter de vos ennemis, par votre discipline, votre résignation, et par les mâles vertus que vous avez montrées.

Avant de me séparer de vous, le cœur brisé par les malheurs de notre Patrie, je tiens à vous dire combien je suis fier d’avoir commande a d’aussi valeureux soldats, et combien je suis profondément affligé de vous dire adieu.

Vous emportez mon affection et mon estime.

Tous les corps de la division ont rivalisé de courage, et, en vous remerciant de vos nobles efforts, je ne puis oublier de mentionner les services que nous ont rendus, pendant cette mémorable lutte, le 2e régiment de hussards, les compagnies de partisans et des francs-tireurs d’Ars, par une fraternité d’armes qui leur fait le plus grand honneur.

Adieu, soldats, ou plutôt : au revoir !

Votre général espère que vous ne serez pas perdus pour votre pays et que vous aurez plus tard d’importans services à rendre.


Metz, 28 octobre 1870.

Le Général commandant la 1re division du 4e corps

Signé : DE CISSEY.