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plénipotentiaire de Wurtemberg au Conseil fédéral, de conférer avec Kuhn, le célèbre théologien catholique de Tubingue, et de demander à Kuhn si Hefele, évêque de Rottenburg, consentirait, le cas échéant, à négocier auprès du Vatican la nomination d’un prélat wurtembergeois comme vicaire apostolique de Trêves. La réponse de Kuhn donna peu de confiance dans l’acceptation de Hefele ; mais une lettre de Jacobini fit espérer à Bismarck que le Vatican ferait bon accueil à l’évêque de Rottenburg, et Bismarck ne renonçait pas à son projet.

C’étaient là des pourparlers qui ne regardaient pas les députés : ils ne devaient, eux, connaître qu’un fait : le refus de l’Etat de laisser Lorenzi s’installer à Trêves ; le reste, c’était le secret du chancelier. On eût dit qu’il faisait effort pour se rendre incompréhensible aux divers partis, et il y réussissait.

Le 6 mai, dans un discours au Reichstag, il semblait esquisser à l’endroit de Bennigsen quelques gestes coquets ; et puis, le 7 mai, il avait à dîner plusieurs membres du Centre, et les couvrait d’affabilités. Il mettait à sa gauche, à table, le chanoine Monfang ; il plaçait Franckenstein à droite de la princesse et s’amusait à conter aux frères Reichensperger l’histoire des trois excommunications qui avaient jadis frappé trois de ses ancêtres ; et voilà pourquoi, continuait-il, j’ai reçu du Pape une lettre si amicale. « Ce Bismarck, notait Auguste Reichenspenger, est vraiment l’un des plus originaux hommes d’Etat qui aient jamais été, un mélange « le contrastes. » Il s’amusait, au fond, à jouer au bon garçon, voire même au bon plaisant, avec les hommes du Centre, et mis à les voir partir comme ils étaient venus, sans renseignemens. Son confident à ce moment-là, c’était Mittnacht, le président du conseil wurtembergeois ; il lui faisait part, le 11 mai, d’un très grand projet. Il ne s’agissait de rien de moins que de rétablir la légation de Prusse à Rome : Bismarck observait qu’en fait ce poste avait survécu au vote des lois de Mai ; qu’on ne l’avait supprimé que dix-huit mois après, en raison du langage de Pie IX : et que dès lors on pouvait le rétablir sans rien préjuger de la destinée future de ces lois. Mais auparavant, Bismarck, à titre d’essai, songeait à envoyer à Rome une mission extraordinaire ; et il souhaitait que Hefele s’en fût voir le Pape, et que cet évêque préparât le terrain en mettant bien au point, d’avance, la question des évêchés à pourvoir. Bismarck priait Mittnacht d’insister, pour que Hefele