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Il voyait Bismarck, volontairement, effacer peu à peu les prétentions de l’Etat ; il voyait la « démocratie » des chapelains travailler à la victoire de Home. Deux spectres qui ne quittèrent plus Kraus, l’ « ultramontanisme jésuitique » et la « démagogie, » commençaient de le hanter ; son imagination les alliait, ne faisait d’eux qu’un seul et même spectre, et son effroi redoublait. Apeuré, déçu, il s’essayait alors, de sa plume incisive, à exciter l’Allemagne contre le geste bismarckien, qui là-bas, à Trêves, rendait à des millions de catholiques, après huit ans d’épreuves, un peu de joie.


V

Mais le geste bismarckien se prolongeait : un publiciste officieux, nommé Hahn, faisait paraître, à l’instigation de Bismarck, une Histoire du Culturkampf, dont la préface, pacifique et sereine, était très remarquée, et l’on apprenait bientôt que Bismarck, après avoir installé Mgr Korum à Trêves, allait installer définitivement, à Rome, le ministre Schloezer.

Le 9 septembre 1881, la Gazette de l’Allemagne du Nord annonçait à la Prusse que l’on invoquerait de ses députés un crédit pour le rétablissement d’une légation auprès du Saint-Siège. Il y avait quelque embarras dans la rédaction de la note : « le rétablissement de ce poste, disait-on, n’a rien à faire avec les concessions au Saint-Siège ; il n’est pas l’objet d’une entente réciproque, encore que naturellement cette légation ne puisse fonctionner que si le Saint-Siège l’accepte. » Le mot d’ordre officiel était bien net : il ne fallait pas dire, le pensât-on, qu’en expédiant Schloezer au Pape Bismarck faisait à Léon XIII une concession, fut-ce même celle d’un sourire.

Mais personne ne fut dupe : les journaux catholiques et les journaux hostiles s’accordèrent pour prendre acte de ce bon procédé ; les premiers s’en réjouirent, les seconds s’en irritèrent ; et les uns et les autres ressuscitèrent, avec des commentaires différens, certaine lettre, vieille de seize mois, où Bismarck laissait entendre au prince de Reuss, qu’avant de rétablir avec le Saint-Siège des rapports diplomatiques, il fallait que le Saint-Siège payât. Le Saint-Siège n’avait encore rien « payé ; » il n’avait rien accordé encore, au sujet de la nomination des curés, et Schloezer, après une halte à Berlin, puis une halte à Varzin,