Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/618

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conseil étaient « pour la plupart octogénaires et sexagénaires, ayant tous des droits à la bienveillance du gouvernement, soit par les services qu’ils ont rendus aux arts, soit par la perte totale de leur fortune, soit enfin par la suppression des pensions et des rentes : » il y avait une vraie cruauté à différer le paiement de leur modeste traitement de 2 500 francs, déjà écorné par les lois de circonstance issues de la détresse budgétaire. Les dépenses du matériel demeuraient pareillement en souffrance : quinze mois après la fastueuse cérémonie de thermidor an VI, on n’avait pas encore, faute de fonds, « décaissé » les chefs-d’œuvre venus d’Italie ; Dufourny rougissait de ce qu’il appelait à juste titre « un délit envers nos frères d’armes et nos concitoyens. »


II. — LE MUSÉE CENTRAL DES ARTS

Pas plus au Louvre qu’ailleurs, la substitution du Consulat au Directoire ne ramena instantanément la prospérité matérielle. Au printemps de 1800 encore, Dufourny annonçait que les employés subalternes, à bout de ressources, en étaient réduits pour subsister à vendre leurs hardes et leurs effets mobiliers : à la fin de janvier 1801, il rappelait « ses demandes répétées sur les besoins prouvés d’un établissement qui depuis neuf mois n’a reçu du gouvernement que 1 250 francs. » Le 1er décembre 1799, Bonaparte, qui n’était encore officiellement que l’un des trois consuls provisoires, mais qui prenait insensiblement le rôle et le langage de chef de l’Etat, Bonaparte vint au Louvre, et manifesta le vœu que le public fût admis le plus tôt possible à contempler les statues rapportées d’Italie ; comme on alléguait le manque de fonds, il suggéra de percevoir un droit d’entrée. Les administrateurs exposèrent les objections déjà classiques alors, sinon décisives, fondées sur les principes démocratiques et le soi-disant honneur national. Le général n’insista point, mais six mois plus tard, à son instigation sans nul doute, son frère Lucien, devenu ministre de l’Intérieur, réclama un projet de règlement pour la perception des rétributions à la porte du Musée. Les administrateurs renouvelèrent leurs objections et la question demeura pendante : elle l’est encore après plus d’un siècle écoulé.

Mais à défaut de ressources pécuniaires immédiates, au Louvre comme partout, l’événement de Brumaire ramena la