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confiance en l’avenir, le courage d’édifier des projets et d’en tenter l’exécution. A part les courtes périodes de fermeture nécessitées par la présentation et l’aménagement des nouveaux arrivages, la galerie des tableaux demeurait publique les trois derniers jours de chaque décade, puis le samedi et le dimanche à partir de la promulgation du Concordat et de la reprise officielle du régime hebdomadaire ; les autres jours étaient en principe réservés aux artistes, mais on admettait les visiteurs étrangers sur la présentation de leur passeport ; le vendredi, jour réservé pour le nettoyage, la porte ne s’ouvrait que sur l’autorisation spéciale du ministre de l’Intérieur.


Presque immédiatement après le coup d’Etat de Brumaire, le personnel du Musée s’accrut d’un éminent archéologue, bien qualifié pour classer et placer les marbres et les bronzes conquis en Italie. Descendant d’un bâtard des anciens seigneurs de Milan, Ennio-Quirino, ou, comme on disait plus volontiers en ce temps féru de latinisme, Ennius-Quirinus Visconti était le fils du principal collaborateur de Winckelmann à Rome et de l’organisateur du musée Pio-Clementino ; lui-même, après avoir été un enfant prodige, avait conquis une renommée européenne en continuant et en décrivant l’œuvre paternelle. Mais ce haut fonctionnaire pontifical avait donné avec enthousiasme dans le mouvement révolutionnaire, acceptant, lors de la crise de 1798, d’être l’un des cinq consuls de l’éphémère République romaine. Quand l’armée d’occupation française dut battre en retraite, Visconti s’estima trop compromis pour ne pas la suivre au-delà des Alpes[1]. Bonaparte, bientôt consul à son tour d’une république plus puissante, sinon plus durable, voulut fixer à Paris le savant fugitif et utiliser sa compétence : après quelques hésitations, non point sur les fonctions, mais sur le titre à lui attribuer, on l’attacha au Musée central des arts en qualité d’antiquaire (le mot n’avait point pris alors une désobligeante acception de brocante), avec entrée au conseil d’administration et un traitement de 4 000 francs.

  1. Il fit naturaliser dès 1799 son fils enfant, Louis-Tullius-Joachim, qui devint par la suite un architecte réputé, et fut chargé par Napoléon III de l’achèvement du Louvre.