Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/623

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

régulièrement achetée au propriétaire de la vigne. Assez disposé d’abord à abandonner la Pallas en échange de la Vénus de Médicis, que les hasards de la guerre avaient pareillement fait tomber entre les mains des Napolitains, Bonaparte fut stimulé par une note de Dufourny, et fit ordonner à Alquier de réclamer impérieusement la statue de Velletri. Mais au moment où les administrateurs croyaient avoir cause gagnée, ils apprirent que Gallo, l’ambassadeur des Deux-Siciles, représentait Talleyrand comme affichant l’indifférence en cette affaire, et prêtait même au Premier Consul ce mot, qu’il ne ferait jamais la guerre pour une statue. Il fallut de nouvelles instances, et c’est le 11 septembre 1802 seulement qu’Alquier pouvait officiellement annoncer le départ imminent de la Pallas : quand elle arriva à Paris, le Musée avait changé de direction.


Pour les tableaux, en grande majorité plus faciles à déplacer que les sculptures, on adopta un système tout différent. Au fur et à mesure de leur arrivée et de leur mise en état, les toiles les plus belles ou les plus fameuses étaient provisoirement exhibées dans le Salon Carré, consacré alors aux expositions temporaires, et notamment à l’exposition annuelle ou bisannuelle des œuvres des artistes vivans (de là le nom de Salon employé encore aujourd’hui pour désigner cette exposition, quoiqu’elle ait changé de local et singulièrement augmenté d’étendue). C’est ainsi que le public fut successivement convié à venir contempler le Portrait de Léon X et la Vierge à la Chaise, les grandes toiles de Paul Véronèse et plusieurs Rubens, d’autres Rubens encore avec des van Dyck venus de Gênes et des Fra Bartolomeo, puis la Madone de Folignovet la Mort de Saint Pierre Martyr, du Titien. Un touriste anglais prétendait que la reconnaissante admiration des Parisiens avait baptisé le Salon Carré, à cause des chefs-d’œuvre que nos victoires y renouvelaient, le « bouquet de Bonaparte. » Mais ces chefs-d’œuvre n’y séjournaient point : c’est après la période napoléonienne que l’idée prévalut de réunir dans le Salon Carré du Louvre, comme dans la Tribune des Offices à Florence, les tableaux les plus réputés de l’ensemble du Musée.

A l’occasion de la venue à Paris du nouveau souverain de