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moins de quarante ans, par le grand-duc et futur empereur Léopold, ne faisaient point partie, à proprement parler, du patrimoine artistique de Florence. Mais soit qu’il voulût ménager la susceptibilité de ses nouveaux sujets, soit par égard pour sa sœur Elisa, qui allait être promue au gouvernement de la Toscane, Napoléon ne se décida point à la revendication proposée.

L’ambition de l’Empereur était de grouper au Louvre les antiques qui avaient une célébrité européenne : c’est ainsi qu’il avait si passionnément convoité la Vénus de Médicis. Il méditait d’extorquer un présent analogue à son beau-frère Murat ; certain jour de 1810, causant avec Canova qui assistait à son déjeuner, il se laissa aller à dire : « C’est ici que sont les anciens chefs-d’œuvre de l’art ; il ne manque que l’Hercule Farnèse, mais nous l’aurons aussi. » Le sculpteur s’est vanté d’avoir répliqué : « Que V. M. laisse au moins quelque chose à l’Italie ! Ces anciens monumens forment une chaîne ou collection avec une infinité d’autres qui ne peuvent être transportés, ni de Kome, ni de Naples. » L’objection, renouvelée de Quatremère de Quincy, n’était point de nature à ébranler la détermination de Napoléon : elle s’appliquait d’ailleurs avec moins de justesse aux antiques, déjà déplacées à plusieurs reprises depuis leur création, qu’aux monumens ou tableaux des églises. L’Empereur laissa pourtant l’Hercule à Naples.

A la fin du règne de Napoléon, le nombre des antiques exposées au Louvre, statues, bustes et bas-reliefs, dépassait 400. Dès le temps du Consulat, on se plaignait de l’encombrement des salles, qui forçait à entasser pour ainsi dire les chefs-d’œuvre, au lieu de ménager entre eux un espace convenable. Aussi Denon et Visconti saluèrent-ils avec joie le décret du 20 ventôse an XIII, qui transférait l’Institut sur l’autre rive de la Seine, dans l’ancien collège des Quatre-Nations. Cet exode, accompli dans l’été de 1806, laissa à la disposition du Musée les locaux que l’Institut occupait au rez-de-chaussée du Louvre et notamment la salle dite des Caryatides, où se tenaient les séances publiques. Cette salle, qui doit son nom aux célèbres sculptures de Jean Goujon, avait depuis la Renaissance servi de théâtre à bien des scènes dramatiques ou mémorables : c’est là notamment que pendant la Ligue quatre des plus compromis parmi les Seize avaient subi le dernier supplice ; là qu’avait