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En abordant les rapports de la mère et des enfans nous ne délaissons qu’en apparence ceux des époux. Les uns et les autres ont une intime corrélation.

Si, pendant la durée de l’union conjugale, la puissance paternelle masque et semble absorber l’autorité maternelle, celle-ci n’en est qu’éclipsée, elle subsiste en droit et s’exerce en fait, soit concurremment, soit toute seule en cas d’absence ou d’incapacité du mari. Le consentement de la mère était nécessaire aussi bien que celui du père pour la validité du mariage des enfans, de leur entrée en religion. En cas de désaccord, c’était, il est vrai, la volonté du père qui l’emportait, mais il arrivait aussi que les tribunaux donnassent la préférence à celle de la mère. En matière d’éducation, c’était elle qui avait la haute main, surtout quand il s’agissait de la première éducation et de celle des filles, et le père la lui abandonnait pour s’en tenir au rôle le plus souvent platonique de surveillant et d’arbitre. L’éducation faisait partie du régime intérieur de la famille. Or ce régime relevait de la femme, comme les occupations professionnelles regardaient le mari. Le mariage ne mettait pas fin à l’autorité morale de la mère. Jeanne du Laurens acceptait docilement les admonestations et les sermons maternels auxquels elle avait été habituée quand elle était jeune fille. La rudesse avec laquelle Marie Buatier gourmande sa fille au sujet de ses imprudences pendant sa grossesse, indique qu’elle n’avait rien perdu de ses droits. Il y avait, on le comprend, des circonstances où la mère pouvait être privée de l’éducation, soit qu’elle fût incapable de la diriger, soit qu’elle s’en rendit indigne ou qu’appartenant à la religion prétendue réformée, tandis que le père était catholique, la justice la lui retirât pour que les enfans fussent élevés dans l’orthodoxie. C’est au père, en sens inverse, quand il sera mal sentant de la foi, qu’on enlèvera les enfans. Catherine Arnauld, plaidant en séparation de corps contre son mari, Jean Lemaistre, obtint la garde et l’éducation de ses cinq fils, parce que leur père, au cours du procès, s’était déclaré protestant. Cette intervention de la justice ne se produisait guère qu’en l’absence d’arrangemens réglant la confession que devaient suivre les enfans.

La mort du père ne pouvait qu’accroître l’autorité maternelle. Celle que la veuve en acquérait n’était pas toujours pourtant pleine et entière. La volonté du défunt, la coutume