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succession ab intestat, passera un héritier qui n’appartenait pas à la ligne d’où ils étaient provenus. Le droit écrit ignorait ces distinctions que toutes les coutumes elles-mêmes ne faisaient pas et suivait, pour ces successions, la novelle 118 de Justinien. Dans la région qui lui était soumise, les ascendans et les collatéraux qui représentaient la ligne paternelle, qui portaient le nom et les armes de la maison, se trouvaient évincés de biens qui, au lieu de soutenir le rang et l’éclat de cette maison, pouvaient être portés par la veuve dans une maison étrangère. Ce fut principalement de la noblesse de Guyenne, de Languedoc, de Provence et de Dauphiné, que partirent les réclamations qui obtinrent du gouvernement de Charles IX un édit destiné à assurer la conservation de l’aristocratie méridionale en étendant aux bassins du Rhône et de la Garonne la distinction des biens qui était propre à la région coutumière. Cet édit rendu à Saint-Maur en mai 1567, et vulgairement connu sous le nom d’Edit des mères, réserva les propres paternels de la succession des enfans à la ligne d’où ils tiraient leur origine en même temps qu’il attribuait à la mère l’usufruit de la moitié de ces biens. Mais l’édit n’intéressait qu’une minorité aristocratique et était contraire aux habitudes de la grande majorité de la population méridionale, à l’esprit égalitaire d’un pays qui ne connaissait pas le droit d’aînesse, au respect qui s’y associait pour la mère survivante à la persistance de la patria potestas. Voilà sans doute pourquoi il n’avait pas encore, en 1629, reçu d’application dans les ressorts des parlemens de Toulouse, de Bordeaux, d’Aix et de Grenoble, c’est-à-dire dans la plus grande partie des pays pour lesquels il avait été fait. Le code Michau, qui le sanctionna, n’était pas propre à lui donner une efficacité qui lui manqua à lui-même et il est probable que, lorsqu’il fut abrogé en 1729, il n’avait plus depuis longtemps qu’une existence nominale.

La situation dont héritaient beaucoup de veuves donne l’idée la plus favorable des unions que la mort du mari était venue dissoudre. Rien ne peut attester davantage l’affection et la confiance que l’épouse et la mère avaient su obtenir de celui qu’elles venaient de perdre. L’idée que nous cherchons à nous faire de la vie conjugale dans la période réparatrice que nous étudions, en est singulièrement relevée, et il faut avouer qu’elle en avait besoin, après les exemples de mauvais ménages que la