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Vive le Pape ! Moi je dis à tout cela le mot : — Que diable allait-elle faire dans cette maudite galère ?

« Je lui ai fait aujourd’hui une réponse au sujet d’un article de sa lettre, qui, je suppose, lui donnera un peu d’humeur. Elle me dit que l’on trouvait ici que je me mêlais de critiquer un peu tout ce que fait le gouvernement et que, comme elle s’intéresse infiniment à moi, elle me conseille en amie de ne plus le faire. Je lui réponds que, reconnaissante de ses bons conseils, je serai soigneuse de les suivre, que je n’aurai du reste pas grand mérite de garder le silence sur tous ces objets, ayant déjà contracté l’habitude de me taire, lorsqu’il était de bon Ion de dénigrer tout ce qui émanait du gouvernement[1]

« Mais voilà mes frères qui viennent me prendre avec la voiture pour aller au bal. Mais je prendrai ma revanche le prochain courrier. En attendant, compte sur l’amour de ta Malla ! Il est inséparable de son existence. Je t’aime et t’embrasse, âme de ma vie, soigne ta santé. Songe que le temps approche où tu seras réuni à ton amante. Il faut être bien portant. Encore une fois adieu, idole de mon cœur. »

19 février. — « Ah ! pour le coup, ta Malla est au comble de la joie ; je bénis ta charmante lettre de Vienne, idole de mon âme. Dieu, que tu es divin ! Quel style, quelle grâce dans tout ce que tu dis ! Non, il n’y a que mon pojke au monde qui sache écrire, qui sache aimer ainsi ; je savoure chaque phrase de ta lettre…

« Il faut que je te dise tout bas à l’oreille que ta petite Malla a tellement embelli cet hiver que même les femmes en conviennent. Juge donc si, une fois près de toi, je ne conserverai pas ma fraîcheur. Mais, gare ! Pojke peut se fâcher de cette plaisanterie et croire que je ne voudrais plus chercher le plaisir dans ses bras. Oh ! mon ange, je ne rêve que de l’y chercher, m’y fixera jamais pour qu’une autre ne puisse m’être préférée…

« Ta Malla donne à déjeuner vendredi à toute la colonie russe[2]. Comme j’y vais souper très souvent, j’ai voulu leur faire une petite politesse à mon tour, qui leur fasse sentir que ce n’est pas le besoin de trouver du friand qui m’a fait aller chez eux, et, afin que cela n’ait pas l’air d’un déjeuner du parti russe, j’ai invité aussi des Suédois, qui n’en sont pas du tout. »

  1. Allusion à l’opposition qu’avait faite la princesse à la politique de Gustave III.
  2. L’ambassadeur comte de Stackelberg et les membres de l’Ambassade.