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rétracterait jamais cette promesse. Supposant que Stackelberg avait été chargé par sa Cour de s’en informer, je crois avoir bien fait en lui répondant ainsi.

« J’ai encore fait une bonne chose ces jours passés. Il faut commencer par te dire que le jeune Gyldenstolpe est amoureux de moi. Ayant observé qu’il est fort avant dans les bonnes grâces du Roi, je l’ai ménagé pour tirer de lui des éclaircissemens, si le petit entrait par hasard en confidence avec lui. J’ai donc appris que cette longue conversation que le Duc avait eue avec le Roi lorsqu’il refusait à Gyldenstolpe d’en être en lui fermant la porte au nez, fut pour engager le petit à se faire franc-maçon ; mais le petit, qui est timide et peut-être soupçonneux, n’a rien voulu répondre de suite. Alors, il lui a dit, apparemment pour mieux le persuader, qu’il faisait la même proposition au jeune Gyldenstolpe. Effectivement, Reuterholm le lui proposa, offrant de lui obtenir tout de suite le troisième grade. Mais Gyldenstolpe lui demanda quelques jours pour réfléchir et il me demanda mon avis, ne penchant pas du tout lui-même à accepter, dans la crainte de se voir entraîné à faire des engagemens fâcheux pour sa place, mais craignant que, s’il refusait, cela pourrait le rendre suspect et qu’on chercherait tout de suite à l’éloigner du jeune Roi. Je lui dis donc que, s’il se sentait assez de caractère et de fermeté pour ne pas se laisser séduire, il devait entrer, mais exiger du petit de ne pas y consentir avant que lui ne soit reçu, et qu’après, il me donnerait sa parole de faire tout ce qui dépendrait de lui pour en détourner le jeune Roi. Ceci nous prouve clairement le projet qu’ils ont de s’emparer absolument du Roi et peut-être de lui tourner l’esprit par les mystères mystiques. J’espère avoir ton approbation sur la manière dont je me suis conduite. »

22 mars. — « C’est de ce jour que je vois combler ma disgrâce. Je sors de chez ma mère. J’ai tout employé, prières, larmes, elle est inébranlable. Tout conspire contre moi. Le rappel de Stackelberg, le prompt départ de Mme Davidoff lui font croire que nous sommes prêts à avoir la guerre avec la Russie, ce qui autorise son refus. Tous mes amis me conjurent de ne pas faire une démarche qui entraînerait ma perte comme la tienne en nous faisant soupçonner d’avoir donné dans les sourdes menées qu’on accuse Stackelberg d’avoir tramées. On m’accuserait d’avoir été un espion russe. Nos ennemis