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A la fin du mois de mars 1793, époque où nous ont conduits les lettres qu’on vient de lire, Armfeldt était à Rome, mais ne devait pas tarder à en partir pour s’acquitter de ses obligations diplomatiques dans les autres capitales italiennes. Naples devait être le terme de sa tournée : c’est là qu’il entendait se fixer, mais pour peu de temps sans doute, puisque, à la même époque, on voit Madeleine concevoir de nouveau l’espérance de le rejoindre en Russie. Avait-elle eu raison de la résistance de sa mère ? Etait-elle résolue à partir quand même ? Sa correspondance ne nous le dit pas. Nous y voyons seulement qu’elle songeait toujours à se mettre en route avec Mme Davidoff lorsque, après le rappel de Stackelberg, elle fut obligée de renoncer à son projet. L’ambassadeur rappelé, attribuant sa disgrâce aux intrigues de la femme du secrétaire de l’ambassade, s’en était plaint à l’Impératrice, et la souveraine avait enjoint à Mme Davidoff de venir rendre compte de sa conduite.

« Ce qui me met au désespoir, écrit Madeleine, c’est que l’Impératrice a appris que la Davidoff faisait des rapports au Duc. Elle lui a ordonné de se rendre en droiture à Pétersbourg. Ainsi voilà tout mon projet entièrement détruit ! J’en ai été si saisie que j’ai manqué me trouver mal. Il m’est impossible de m’en aller en Russie en compagnie d’une disgraciée comme le sera désormais cette Davidoff. »

En s’ajoutant à tant d’autres qui, depuis le départ d’Armfeldt, se succédaient dans la vie de Mlle de Rudenschold, cette dernière déconvenue aggrava ses tourmens dont sa santé commençait à se ressentir. Fréquemment souffrante, obligée de s’aliter, elle ne cesse de se lamenter. Sa correspondance, de plus en plus, trahit son agitation, son découragement et sa douleur ; elle en devient même quelque peu monotone par suite de la répétition des mêmes plaintes et des mêmes reproches. Aussi n’en retiendrons-nous que ce qui est rigoureusement nécessaire à l’intérêt de ce récit.


III

Jusqu’à ce jour, les divers projets imaginés par Armfeldt pour obtenir du Régent le renvoi de Reuterholm avaient été jugés impraticables par ses amis à qui sa maîtresse les communiquait. Mais il n’en fut pas de même de celui qui consistait à