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pour abandonner ainsi le monde, même s’il était en son pouvoir de revenir en ce moment en Suède. Que ne suis-je à la place de Mme d’Armfeldt. Elle te voit, elle reçoit tes baisers. Mais, pardonne-moi, cher ami, ce transport de jalousie ; il m’échappe, je n’ai pas été maîtresse de le réprimer. Mais c’est fini, n’en parlons plus. »

Au commencement de septembre, elle rentrait à Stockholm et, dès le 4, elle réapparaissait à Drottningholm. Le surlendemain, elle annonçait son retour à Armfeldt :

« Je suis ici depuis avant-hier, assez triste et chagrine. De mauvaises histoires sur ton compte m’attendaient derechef ici, et je ne te cacherai pas à quel point j’y suis sensible. »

Quelles étaient ces mauvaises histoires, elle ne le disait pas. Mais il nous est aisé de le deviner. Elles s’inspiraient des rapports que le gouvernement de la régence recevait des espions à qui il avait confié la surveillance de son ministre en Italie, rapports malveillans, venimeux, qui, pour une part de vérité, contenaient une plus grande part de mensonge et qui, rapprochés des papiers d’Armfeldt traîtreusement dérobés dans sa maison, allaient servir de base à une accusation de crime d’Etat. Dans la matinée du 18 décembre, la population de Stockholm apprenait a l’improviste la découverte d’un complot contre le Régent et l’arrestation pendant la nuit des conspirateurs, parmi lesquels se trouvait Madeleine de Rudenschold.


ERNEST DAUDET.