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conséquence infiniment fâcheuse de notre excessive centralisation… Le remède ici n’a rien de mystérieux. Tout le monde sait qu’il n’y a d’efficacité que dans la réforme administrative. Et le gouvernement ; le sait si bien qu’il n’a pas craint de nous présenter sa réforme électorale, qui ne change rien et ne peut rien changer de l’administration, comme une amorce de réforme administrative. » M. Clemenceau reconnaît donc l’existence du mal ; il propose seulement un autre remède, à savoir la réforme administrative, et sur ce point il semble bien que M. Poincaré soit d’accord avec lui, puisqu’il a dit, en effet, que la réforme électorale, en créant des circonscriptions plus larges, faciliterait la réforme administrative et la préparerait. Mais, de ces deux réformes, par laquelle faut-il commencer ? Par la réforme électorale, dit l’un ; par la réforme administrative, dit l’autre. Il est évident pour tout homme de bonne foi que la priorité donnée à la réforme administrative aurait pour conséquence de renvoyer la réforme électorale aux calendes grecques, si même elle ne l’avait pas positivement pour objet. Rien n’est plus difficile à faire que la réforme administrative. La question de la centralisation et de la décentralisation, qui en est le point saillant, est une des plus délicates et même des plus redoutables qu’un pays comme la France puisse se poser, et il s’en faut de beaucoup qu’elle soit résolue dans notre esprit. Elle l’est dans celui de M. Clemenceau. Décentralisons, dit-il, et tout sera sauvé ! A quoi nous répondrons : Qui sait ? Quelques réformes décentralisatrices ont déjà été faites ; les pouvoirs locaux ont été augmentés ; nous n’avons pas remarqué que la somme des abus en ait été diminuée ; la source seulement en a été déplacée. Il n’y a pas de pires tyrannies que les tyrannies locales ; il n’y a pas de pire favoritisme que le favoritisme local et les reproches qu’on adresse si justement à nos ministres, trop dociles aux influences des députés, qui le sont trop eux-mêmes à celles des électeurs, ne s’appliqueraient pas moins à nos maires et à nos conseillers généraux qui, eux aussi, ont des électeurs. Le pouvoir central était considéré autrefois comme un arbitre présentant de plus grandes garanties d’impartialité, parce qu’il avait plus d’indépendance et d’autorité : cette indépendance et cette autorité, il ne les a plus. Les abus qui se produisent en bas n’ont pas diminué pour cela, bien au contraire : ils ont perdu seulement le correctif qu’ils avaient en haut. Alors le mal a été partout et on s’est plaint de la centralisation qui, ne remplissant plus son office, l’aggravait en effet au lieu de le supprimer ou de l’atténuer.

Justement, dit M. Clemenceau, nos hommes d’État manquent de