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SUISSE ET SAVOIE
LA ZONE FRANCHE DE LA HAUTE-SAVOIE

Que dans un Etat centralisé comme la France il puisse aujourd’hui subsister, entre le Léman, le Rhône et les Alpes, un vaste territoire jouissant d’un régime spécial d’exterritorialité économique, sans parler d’autres franchises, tel qu’il semble bénéficier des privilèges de la nationalité sans en subir toutes les charges : qui le croirait ? C’est pourtant le cas de la « zone franche de la Haute-Savoie[1], » qui comprend les anciennes provinces du Chablais et du Faucigny, avec une fraction du Genevois, soit les arrondissemens actuels de Bonneville et Thonon avec la majeure portion de celui de Saint-Julien. Disons tout de suite que dans cette zone franche on doit distinguer deux parties, l’une très petite, dite zone sarde, qui résulte des traités de 1815, et l’autre, dite zone de 1860 ou zone d’annexion, créée par Napoléon III, bien autrement vaste et qui occupe les deux tiers du département de la Haute-Savoie. Ajoutons que, de cette zone économiquement franche, il faut d’autre part distinguer le territoire, encore plus spacieux, puisque du lac de Genève il s’étend jusqu’au midi des lacs d’Annecy et du Bourget, dont les traités de 1815 ont prononcé la neutralité militaire. Voilà d’étranges anomalies, de singulières restrictions apportées sur une terre française à la loi commune des Français. Comment s’expliquent-elles ? Quelles

  1. C’est aussi le cas de la zone franche du pays de Gex, voisine de celle qui nous occupe, mais bien moins importante par son étendue, et dont nous devrons ici, pour nous borner, laisser entièrement de côté l’étude.