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la baronne Armfeldt comme épouse. Seulement, la baronne Armfeldt était présente et sa présence obligeait l’infidèle à employer la ruse pour lui dissimuler ses désordres, ou à se les faire pardonner, tandis que, Madeleine étant loin, il était plus aisé d’entretenir les illusions qu’elle conservait encore, sinon sur la fidélité de son amant, du moins sur sa constance. Il continuait à lui écrire et elle continuait à lui répondre. Nous ne le savons d’ailleurs que par quelques rares fragmens des lettres d’Armfeldt. Nous ne possédons pas celles que Madeleine lui écrivit après qu’il fut installé à Naples. La dernière de notre dossier porte la date du G septembre. Armfeldt l’ayant reçue à Florence, elle se trouva parmi les papiers qui lui furent dérobés dans cette ville par les agens de Piranesi. Il est vraisemblable qu’une fois averti du vol dont il avait été victime, il détruisit celles qui lui furent écrites ultérieurement.

Quant aux informations relatives à son séjour dans la capitale des Deux-Siciles, nous les devons à son Journal. Entre les traits attachans qu’il relaie, il en est un qu’il y a lieu de mentionner ici parce qu’il rappelle l’un des épisodes les plus tragiques de la Révolution française :

« La reine accoucha dans les premiers jours de décembre, raconte Armfeldt. Quelques jours avant, était arrivée la nouvelle de l’exécution de la malheureuse reine de France. C’est au théâtre San Carlo qu’elle fut communiquée au général Acton, dans la loge de qui je me trouvais. Leurs Majestés occupaient leur petite loge. Nous fûmes si frappés de cette nouvelle que nous ne pûmes nous défendre d’en parler avec effarement, au risque d’attirer l’attention de la reine Marie-Caroline, dont l’imagination était hantée par la crainte de subir le même sort que sa sœur. Comme, au même moment, elle nous avait regardés, nous décidâmes de ne plus nous parler pendant le reste de la représentation pour ne pas l’inquiéter. Elle me dit ensuite qu’elle avait vu un tel changement sur ma figure qu’elle était sûre que j’avais reçu de mauvaises nouvelles. »

La suite du Journal d’Armfeldt nous le montre menant à Naples une existence agitée et brillante, vivant dans l’intimité de la famille royale, frayant avec les représentans des puissances étrangères les plus hostiles à la France, accueilli avec faveur par l’aristocratie napolitaine, promenant partout son élégance, sa jactance, sa liberté de langage, se conduisant,, en un mot,