Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/832

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Palmquist avait mission d’aller à Naples, d’attirer Armfeldt à bord de son navire, de l’arrêter et de le ramener en Suède. La nouvelle étant parvenue à lord Harvey à Florence, il s’empressa de la transmettre à l’intéressé. Déjà celui-ci, comme s’il eût pressenti le coup qui le menaçait, avait écrit à son gouvernement pour demander son rappel. « Il jugeait contraire à tous les principes d’honneur de conserver une fonction représentative auprès d’une Cour étrangère, alors que dans les documens officiels il était attaqué comme assassin et conspirateur. »

Il était sans réponse à sa demande et ignorait encore l’expédition qui se préparait contre lui, lorsqu’une lettre de Stockholm lui apporta une nouvelle terrifiante. Dans la nuit du 17 au 18 décembre, le gouvernement de la régence avait fait arrêter Mlle de Rudenschold, le secrétaire royal Ehrenstrom, son frère lieutenant-colonel, deux autres officiers du même grade, un restaurateur, l’ancien valet de chambre d’Armfeldt et un employé de commerce dont la présence au milieu de ces accusés semblait d’autant plus inexplicable qu’il était connu comme jacobin. Plusieurs d’entre eux furent remis plus tard en liberté. On les avait arrêtés sur de simples soupçons et surtout pour faire croire à l’existence d’un vaste complot ourdi par Armfeldt, et qui méritait un châtiment inexorable.

Nos documens sont muets sur les circonstances qui précédèrent et suivirent l’arrestation de Madeleine. Ils disent seulement que, prévenue à l’avance de la visite des gens de police, elle eut le temps de détruire les nombreuses lettres de son amant, pieusement conservées jusque-là, et que la perquisition opérée dans son domicile ne fit découvrir aucune pièce propre à démontrer sa culpabilité. Mais, à défaut d’informations plus complètes, on peut se figurer quelles furent, en ce pressant péril, les réflexions de cette malheureuse femme. Elle expiait son amour, sa longue fidélité à Armfeldt, le dévouement qu’elle avait mis à le défendre, la docilité avec laquelle elle s’était toujours empressée de suivre ses instructions, même quand elle ne les approuvait pas. Toutefois, elle avait lieu d’espérer que sa détention serait de courte durée : non qu’elle eût à attendre du Régent et de Reuterholm justice ou clémence, mais parce que, n’ayant rien à se reprocher en tant que patriote, il lui paraissait impossible qu’on la condamnât. Et puis, elle se connaissait de nombreux amis qui ne manqueraient pas d’intercéder en sa