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du tirailleur qui tient garnison à Dakar. La race mandé représentée par les Bambaras, Malinkés, Sarrakolés, Kassonkés est en train de subir la même évolution économique et sociale. D’importantes villes, Kayes, Bammako, Koulikoro, Segou, se sont créées, parfois de toutes pièces ; les chemins de fer Sénégal-Niger, Thiès-Kayes absorbent des milliers de travailleurs largement rétribués. Robustes, intelligens, actifs, les Bambaras se sont vu rechercher par toutes les administrations ; le Congo Belge a fini par les attirer pour en faire des mécaniciens et des ouvriers d’art. Les vrais Mandés n’entrent plus dans nos formations de tirailleurs que pour 60 p. 100 de l’effectif. Le reste provient soit des races de la Haute-Côte d’Ivoire, Samokos, Kados, Bobos, soit de toutes les autres familles de l’Afrique occidentale, Peuhl, Toucouleurs, Mossis, Soussous, Baoulés, Djermas, Dahoméens. Si l’on excepte les Toucouleurs, intelligens et braves, mais terriblement ombrageux et, de plus, accessibles au fanatisme musulman, toute la nomenclature des tribus que nous venons d’énumérer ne permet pas un grand espoir. Les races de la côte sont malingres, décimées par l’alcoolisme et la tuberculose ; les Peuhl sont cavaliers ou pasteurs et ne conviennent aucunement au service de l’infanterie. Seuls, les Mossis forment un réservoir à peu près intact dans la boucle du Niger. Ils sont vigoureux, mais d’intelligence très bornée ; leur instruction militaire est longue et difficile.

Tôt ou tard, il faudra revenir au recrutement bambara. Il subit un temps d’arrêt, mais l’augmentation de la population, très rapide avec la paix que nous procurons au pays, conjurera bientôt cette crise regrettable. Il vaut mieux renoncer à faire des expériences désastreuses avec les races de la côte et se limiter momentanément, que d’engager des non-valeurs. Rien n’alourdit une compagnie comme une ou deux douzaines de soldats indisciplinés, anciens domestiques pour la plupart, ivres-morts le jour du paiement de la solde. L’Afrique donnera toujours une quantité de recrues, mais une sélection très sévère s’impose, si l’on veut éviter les mécomptes.

Le tirailleur de race mandé représente le plus bel échantillon du mercenaire. De taille haute, bien découplé, marcheur infatigable, soldat fier et sobre, entièrement dévoué à notre cause, fidèle à son contrat, brave jusqu’à la témérité, quels services ne rendra-t-il pas ? Il ne faut pas toutefois le garder