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de palmiers, les « djérids, » pour employer l’expression locale, se vendaient à raison de un franc le cent ; comme il est indispensable de renouveler chaque année la toiture, le prix de revient dépassait de beaucoup les allocations budgétaires. On envisagea donc l’établissement de maisonnettes en briques séchées au soleil, avec un toit de planches recouvertes de terre battue ; les travaux durèrent plus d’un an et coûtèrent 100 000 francs en chiffres ronds. Pourtant les ressources en casernement abondaient dans la province. La marche continue vers l’Ouest des troupes de la division d’Oran avait laissé disponibles des casernes à Tlemcen et surtout les constructions et les cultures des deux smalas de spahis installées à Medjahed et Bled-Chaaba.

Pendant de longs mois, les ménages sénégalais vécurent sous les tentes surchauffées en plein jour et glaciales dès les approches de la nuit. On avait voulu faire vite ; en deux mois, le commandement hésita, ne sachant où placer le bataillon, soit à Blidah, Djelfa et Laghouat, soit à Tlemcen, soit dans l’Extrême-Sud oranais. Il se serait épargné bien des mécomptes s’il avait fait précéder l’envoi des tirailleurs par une reconnaissance méthodique du pays. Des officiers rompus à l’existence de nos troupes indigènes auraient choisi, en toute connaissance de cause, les garnisons les meilleures ou plutôt les moins mauvaises pour l’organisme et le genre de vie de leurs soldats.

Le début s’annonçait mal. Il fallut se mettre à l’ouvrage dès le lendemain de l’arrivée, alors que les tempêtes de sable, si fréquentes dans ces régions, rendaient l’atmosphère irrespirable, balayaient les cuisines installées en plein air, renversaient le campement. Après la courte accalmie de l’automne, la neige apparut sur les montagnes ; l’hiver abaissa la température jusqu’à sept degrés au-dessous de zéro pendant la nuit, tandis que la chaleur de midi restait suffocante. A ces conditions climatériques si défectueuses se joignit l’obligation pour les soldats noirs de participer aux opérations des troupes voisines, tournées de police, reconnaissances, escortes de missions et de convois. La mortalité sévit dans des proportions assez fortes, — en deux ans, le bataillon d’Algérie a perdu 68 tirailleurs ; — elle était due, presque toujours, aux congestions pulmonaires, à la tuberculose, à l’épuisement et frappait les sujets affaiblis par des campagnes antérieures ou les jeunes tirailleurs, de