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les trous creusés au trépan, semblent s’enlever en clair sur un fond obscur. L’effet maximum de relief est obtenu ainsi avec le minimum de modelage et cette recherche du trompe-l’œil sera désormais le but de la sculpture. L’ornement au trépan domine l’art byzantin du Ve siècle et caractérise les chapiteaux à feuilles d’acanthe dits théodosiens. Il n’est pas rare de le voir s’allier à l’ornement modelé, en particulier sur les chapiteaux où les volutes d’angle sont remplacées par des êtres animés, aigles, béliers, griffons, anges, etc. Quelques œuvres de cette époque d’incohérence étaient d’abord modelées à l’aide du ciseau, puis reprises dans le détail avec le trépan. Tels sont les curieux chapiteaux de Ravenne et de Saint-Marc de Venise dont les larges feuilles semblent couchées dans la même direction par un vent violent. Chacune de ces feuilles a été modelée par masses, puis sa surface a été ensuite littéralement criblée de coups de trépan.

Plus tard, au VIe siècle, à l’époque de Justinien, un procédé plus savant et plus décoratif, mais destiné à produire le même effet, est employé couramment dans la sculpture byzantine. Sur les admirables tympans qui séparent les arcades dans la nef de Sainte-Sophie, sur les gros chapiteaux cubiques de la même église, sur les chapiteaux plus petits de la petite Sainte-Sophie, de Saint-Vital de Ravenne, de Saint-Marc de Venise, les motifs d’ornement, au lieu d’adhérer au fond, n’y tiennent que par leurs extrémités et sont entièrement découpés comme un grillage de marbre. L’ombre produite par les découpures a pour effet de mettre les motifs, feuilles d’acanthe, oves, rais-de-cœur, en pleine lumière, et l’impression de relief est obtenue d’une manière plus parfaite encore qu’avec la technique du trépan. Les maîtres byzantins de l’âge de Justinien traitèrent cette « sculpture à jour » avec une véritable virtuosité : on peut dire que la décoration intérieure de ; Sainte-Sophie est le chef-d’œuvre de cette technique. L’effet produit est celui d’une admirable étoffe dont les motifs baignés de lumière tranchent de la manière la plus nette sur l’obscurité du fond ; l’impression de douceur est la même que celle que produisent les plus beaux tapis persans,

Comme la technique du trépan, la sculpture à jour se conciliait parfois avec le modelage et nombreux sont les chapiteaux dont la corbeille, imitée d’un travail de vannerie, est surmontée d’oiseaux au repos ou aux ailes éployées. Les traditions helléniques se maintenaient à Byzance, puisque nous savons qu’on y