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statuaire. La sculpture a perdu sa destination propre, qui est de représenter des objets dans l’espace ; elle ne sert plus qu’à couvrir d’ornemens certaines surfaces et elle est employée au même usage que les mosaïques ou les revêtemens de marbres précieux dont elle forme parfois le cadre.

Les arts musulmans ne connaissent pas davantage la statuaire. Le calife de Cordoue du VIIIe siècle, Abderrhaman, qui, au grand scandale de ses sujets, éleva à sa favorite une statue dans son palais, paraît avoir trouvé peu d’imitateurs, et encore est-il permis de croire qu’il attribua simplement à une statue antique de Flore le nom de celle qu’il voulait honorer. Les seuls exemples d’objets modelés par des musulmans sont fournis par quelques bronzes de petites dimensions, tels que les récipiens en forme d’animaux connus sous le nom d’aquamaniles, assez communs dans les collections. A part quelques chapiteaux traités en méplat, la technique qui domine dans l’art arabe, soit sur les panneaux décoratifs de pierre, soit sur les œuvres de menuiserie comme les chaires des mosquées, est celle de la sculpture champlevée telle qu’elle s’est introduite dans l’art byzantin.

Enfin l’on peut dire que tous ces procédés de sculpture furent importés aussi en Occident dès les temps barbares et y restèrent en usage jusqu’à la période gothique. On retrouve la sculpture au trépan, la sculpture à jour, la sculpture-broderie, et même la sculpture champlevée tant sur les débris qui nous sont parvenus de l’époque mérovingienne que dans les grands ensembles constitués par les chapiteaux et les façades de nos églises romanes. Certains rapprochemens curieux permettent d’affirmer la communauté d’inspiration qui apparaît dans toutes les écoles de sculpture du moyen âge. : Tels oiseaux alternativement affrontés et adossés, avec les queues entre-croisées, sur un chapiteau du musée des Augustins de Toulouse, sont reproduits d’une étoffe persane, dont le dessin devait être très voisin de celle qui inspira les sculpteurs des beaux chapiteaux aux aigles du narthex de Saint-Marc de Venise et ceux du portique sud, à Sainte-Sophie de Trébizonde. Les portes en bois de la cathédrale du Puy sont une œuvre de menuiserie champlevée, où l’on voit dans des compartimens accompagnés d’inscriptions latines toute la vie du Christ. Mais l’encadrement de cette œuvre éminemment chrétienne est formée par une inscription coufique défigurée qui reproduit à peu près la formule si connue : « Il n’y a