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nous possédons un double témoignage qui nous permet de déterminer les conditions dans lesquelles eut lieu cette renaissance de la statuaire : c’est, d’une part, la célèbre statue de sainte Foy conservée au trésor de Conques en Rouergue, de l’autre, le récit d’un pèlerinage à Conques entrepris au début du XIe siècle par un clerc de Chartres et intercalé par lui dans son Livre des Miracles de sainte Foy[1].

La statue d’or de sainte Foy est célèbre depuis qu’elle a figuré à l’Exposition Universelle de 1900 sous une vitrine du Petit Palais ; mais, si l’on veut comprendre l’influence que cette statuette barbare à figure d’idole exerça jadis sur les préoccupations des hommes, c’est chez elle qu’il faut aller la contempler, dans la basilique, grande comme une cathédrale, qui couvre de son ombre le hameau suspendu au-dessus des gorges sauvages de l’Ouche. Malgré tant de révolutions, le décor n’a pas beaucoup changé depuis les temps lointains où des foules accourues de tous les pays d’Europe campaient au milieu de cette nature pittoresque. La statue d’or règne toujours là, au milieu d’un trésor de légende, où s’accumulèrent au cours des siècles les pièces de massive orfèvrerie, les tables d’autels, les monstrances, les chasses, les reliures d’évangéliaires. L’or, l’argent, l’ivoire, les émaux, les pierres précieuses resplendissent autour de cette œuvre unique au monde et lui composent un cadre à souhait.

Assise sur un trône carré dont le dossier et les montans sont semés de croix symétriques, tandis que des boules de cristal de roche amortissent les bras, la sainte penche légèrement la tête en arrière et lève ses deux bras au même niveau, dans un geste d’orante. Sa tête, grosse et ronde, est coiffée d’une couronne fermée en forme d’hémisphère ; ses yeux de verre bleu et d’émail blanc regardent dans le vide avec une fixité obsédante ; les pieds démesurés, chaussés de souliers pointus, sont posés à plat ; le costume très simple est presque entièrement dissimulé par les somptueux ex-voto d’orfèvrerie de tout âge et de toute provenance qui la couvrent littéralement de la tête aux pieds. Pendans d’oreilles garnis de pierreries, gemmes et camées antiques, cabochons de toute nature, plaques d’or et d’argent travaillées au repoussé, fournissent des spécimens de l’art de toutes les époques. Déjà au temps où les clercs de Chartres

  1. Liber Miraculorum Sancte Fidis, Paris, 1897.