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des Vierges d’inspiration naturaliste que l’on rencontre dans l’art chrétien dès les premiers siècles.

Les antiques imagiers qui taillèrent au Xe siècle les premières statues-reliquaires de la Vierge ne peuvent donc être considérés comme les créateurs du type qu’ils reproduisirent ainsi. Mais ce qu’il y eut de vraiment nouveau dans leur œuvre, ce fut l’interprétation dans l’espace d’un motif qui n’avait été traité jusque-là qu’en bas-relief ou en peinture. C’est par là qu’ils firent preuve d’un véritable esprit d’invention : réagissant d’instinct contre l’idéal décoratif importé d’Orient, ils retrouvèrent la statuaire et engagèrent ainsi le développement de l’art religieux dans des voies nouvelles. Peut-être les modèles leur furent-ils fournis par des étoffes précieuses. Des spécimens de tissus attribués à l’époque carolingienne sont couverts d’une série ininterrompue de Vierges de majesté[1]. Peut-être s’inspirèrent-ils de quelque bas-relief ou de quelque ivoire. Quoi qu’il en soit, ils eurent le mérite de traduire à l’aide du modelage un motif qu’ils ne pouvaient connaître que par un dessin linéaire et, quelque barbares que nous paraissent aujourd’hui ces figures, dont le regard fixe et les draperies rigides éveillent tout naturellement l’idée de statues bouddhiques, elles n’en furent pas moins le point de départ d’une révolution artistique.

Par une coïncidence remarquable en effet, les plus anciens spécimens de sculpture monumentale que l’on puisse dater d’une manière certaine appartiennent au midi de la France. Il suffit de rappeler des œuvres comme le linteau de Saint-Genis-des-Fontaines (Roussillon), daté par une inscription de la vingt-quatrième année du règne de Robert le Pieux (1021), et qui est un essai barbare de grande composition, avec un Christ de majesté au milieu des apôtres ; comme les statues d’apôtres adossées aux piliers du cloître de Moissac ou les plaques sculptées du déambulatoire de Saint-Sernin de Toulouse, qui sont antérieures à 1100. Le relief y est encore très faible, la science des proportions et des draperies y paraît enfantine, mais les rapports que présentent ces œuvres avec les statues-reliquaires sont incontestables.

Il est impossible, par exemple, de ne pas saisir l’air de parenté qui relie les madones-reliquaires au Christ de majesté

  1. Dupont-Auberville, l’Ornement des tissus, Paris, 1817, p. 19.