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recueils de « Miracles de Notre-Dame de Chartres[1]. » On peut donc affirmer qu’aux environs de l’an mille, l’usage des statues-reliquaires était entièrement inconnu dans le nord de la France.

En était-il de même de la sculpture monumentale ? En 1035, Gérard, archevêque de Cambrai, tint à Arras un concile dirigé contre une secte de manichéens qui attaquaient l’usage des images dans les églises. Dans la profession de foi qu’il oppose à ses adversaires, il est question des « linéamens de la peinture » qui permettent aux illettrés de contempler le Christ et les saints[2] : la sculpture n’est pas mentionnée et nous avons par là une preuve certaine qu’elle ne tenait pas encore une place très importante dans l’ornementation iconographique des églises.

Faut-il croire cependant, comme vient de le soutenir M. Marignan[3], que son rôle ait été entièrement nul et que même les chapiteaux historiés n’apparaissent pas dans les églises « avant le dernier tiers du XIIe siècle ? » Des faits nombreux, nous l’avons vu, démentent cette théorie pour le Midi. Le Nord lui-même a connu, avant le XIIe siècle, des rudimens de sculpture monumentale. Flodoard cite l’inscription qui accompagnait les effigies de Louis le Pieux et d’Etienne III au portail de la cathédrale de Reims, sculpté sous l’épiscopat d’Ebbon (816-821). La vérité est que la sculpture employée dans l’ornementation des édifices du Nord, s’inspirait surtout de la formule décorative. Des chapiteaux couverts de feuillage en méplat ou d’ornemens géométriques, des têtes décoratives, des animaux réels ou fantastiques, voilà ce qu’on devait voir surtout dans les églises du Nord avant le XIIe siècle. Tel est par exemple le caractère des chapiteaux si barbares qui furent sculptés par Hunald entre 1016 et 1018 dans la crypte de Saint-Bénigne de Dijon ; les faces de leurs corbeilles sont ornées d’oiseaux à gros bec, de têtes fantastiques, de torsades, d’entrelacs.

Un essai de décor iconographique apparaît même sur les chapiteaux de Saint-Germain-des-Prés conservés au palais des Thermes, où l’on peut voir un Christ de majesté entouré d’anges. Toutes ces figures d’un style très barbare montrent que la sculpture monumentale n’était pas inconnue dans le

  1. Thomas, les Miracles de N. -D. de Chartres. (Biblioth. École des Chartes, 1881, 509).
  2. Patrologie latine, t. 142, ch. XIII-XIV.
  3. Les Méthodes du passé dans l’Archéologie, Paris, 1911, p. 58 et 77.