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professeur en Sorbonne, — compléta le premier volume, embrassant la période du XVIe siècle. Voici maintenant un second volume consacré au XVIIe siècle[1]. Comment il a pu être mis au jour et quelles garanties il offre au lecteur, peut-être n’est-il pas inutile de le dire, et c’est ce que j’essaierai ici, ayant assisté de très près au travail, qui a été en quelque sorte exécuté sous mes yeux.

D’abord, on possédait les plans préparés par Brunetière pour chacune de ses leçons et qui le guidaient pendant qu’il parlait devant ses élèves. Ces plans de Brunetière sont fameux : ce sont des modèles du genre, et nulle part on n’y surprend mieux ses procédés et le secret de son art. Ils témoigneraient, s’il en était besoin, de son admirable conscience et de cet absolu dévouement qu’il apporta toujours à sa tâche. Qu’on me permette, à ce propos, un souvenir. Je le félicitais, un jour, du succès brillant et durable qu’avait obtenu son enseignement auprès des élèves de l’École normale, public difficile entre tous, parce que c’est un public de jeunes gens, qui sont déjà des maîtres et chez qui l’esprit critique est très développé. Il me fit cette réponse, charmante de modestie : « Ce que vous appelez mon succès, n’est que la récompense — ou la reconnaissance — de la peine que je prends, comme je le dois. Les élèves de l’École normale, qui sont d’acharnés travailleurs, demandent qu’on travaille pour eux. S’ils ont fait parfois un accueil assez froid, et même glacial, à des professeurs éminens, c’est que ces grands professeurs prenaient leur professorat avec quelque légèreté. Je fais ce que je peux, mais je fais tout ce que je peux : on m’en sait gré. » Il se faisait tort à lui-même de toutes sortes de qualités que je n’ai pas besoin d’énumérer ici ; mais il est vrai que chacune de ses leçons représentait une somme de travail considérable. Et c’est ce que montrent, à l’évidence, ces plans si caractéristiques. Quelques lignes d’abord résumaient la leçon précédente et annonçaient l’objet de la leçon nouvelle. Les divisions en étaient soigneusement indiquées. Dans chaque chapitre, non seulement toutes les idées étaient notées, classées, étiquetées, numérotées, mises à leur rang et subordonnées les unes aux autres, mais Brunetière, avec ce besoin d’ordre et de logique qu’il poussait à un si haut degré, en marquait la liaison, s’attachait à souligner les transitions. Il établissait ainsi le schéma, l’architecture ou l’armature de la leçon. Il indiquait chaque citation à sa place, avec sa référence reportant à l’édition dont il s’était servi. Plus encore. Partout où il rencontrait sur son chemin une idée

  1. Histoire de la littérature française classique. — Tome II : le Dix-septième siècle, pur Ferdinand Brunetière, 1 vol. in-8o ; Delagrave.