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ESQUISSES MAROCAINES


SOUVENIRS


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I


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I. — LA CUEILLEUSE D’IRIS


A Tanger, après les longues et désespérantes pluies du tardif automne, tout d’un coup, un matin, le ciel est lavé, pur et rajeuni. Alors, de la terrasse où je suis venue tant de fois essayer de percer l’obscurité du ciel et le triste voile de grisaille uniforme qui enveloppe la terre, je revois enfin la forme et la couleur des choses.

C’est une impression qui fait penser au mot de la Bible : « Et Dieu sépara la terre des eaux. » Sous la tempête, nous n’avons vu et senti pendant une si longue série de jours que deux forces : le vent et l’eau ! On ne savait plus, au bas des falaises de sable, où finissait la mer et où commençaient les côtes. La pluie éternelle et souvent furieuse tombait sur les toits plats et sur les terrasses des jardins avec un crépitement monotone de petites balles qui frappent la pierre. Aujourd’hui nous revoyons la terre. Au delà du détroit les monts d’Espagne se révèlent en vapeurs bleues ; les sables de Tarifa étincellent comme des gemmes dans la lumière du matin ; la mer, dans le détroit, sur ses deux bords, dessine les côtes. Les vagues