Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parvenaient de Bourbon, de Maurice, de l’Inde et d’Angleterre qui tous s’accordaient pour signaler l’imminence d’une intervention anglaise à Madagascar : des journaux s’occupaient de l’ile d’une façon significative, une société se constituait à Londres pour y entreprendre de grandes opérations commerciales, et des notices étaient répandues qui vantaient les ressources du pays, énuméraient ses titres à devenir une colonie britannique et mentionnaient particulièrement des points auxquels nous-mêmes portions un intérêt spécial : Fort-Dauphin par exemple, où nous avions eu un établissement, et la baie de Diégo-Suarez chère à la Direction des Colonies. Celle-ci estima, vers le début d’octobre, qu’il y aurait péril dans le moindre délai nouveau, et son chef, Filleau Saint Hilaire, prépara d’urgence un long mémoire qu’il adressa au ministre avec une note extrêmement vive et qui lui fait honneur, en même temps qu’elle honore le service dont il suivait simplement les traditions. La note débutait par l’affirmation d’une vérité que beaucoup de fonctionnaires et beaucoup de ministres ont trop souvent méconnue : « S’il y a une responsabilité d’action, il y a aussi une responsabilité d’inaction. » Le mémoire concluait à une action rapide, en rappelant la mésaventure toute récente de la Nouvelle-Zélande : il fallait devancer, cette fois-ci, les Anglais, compléter l’encerclement du Nord de Madagascar en occupant Mayotte sans délai, enfin examiner et régler une bonne fois, en Conseil des ministres, la question même de Madagascar. Il semble toutefois que les ministres n’en délibérèrent pas. Le travail de la Direction des Colonies fut envoyé aux Affaires Étrangères où Guizot exerçait en fait la présidence du Conseil, nominalement dévolue au maréchal Soult. Or, comme nous en aurons la preuve dans un instant, Guizot était alors peu soucieux des grandes entreprises lointaines et les visées anglaises ne s’étaient d’ailleurs pas précisées : les choses furent donc encore laissées en suspens et l’idée d’une intervention à Madagascar semblait de nouveau écartée, quand l’inlassable Direction parvint à la ressusciter une fois de plus.

L’amiral de Hell était rentré en France et prenait un congé dans son château familial d’Oberkirch, en Alsace. Le 11 juin 1842, on lui demanda un rapport sur la situation de Madagascar et les conditions d’une intervention éventuelle. L’amiral répondit dès le 25 juillet par un travail développé. Il insistait sur les inap-