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S’il émane encor d’elle un vestige de grâce,
Goûte-le dans les fleurs dont son tertre est semé.
Aspires-en longtemps le chaste arôme, et passe
En évoquant tout bas un cœur naguère aimé.

Et, même dans la mort se sentant immortelle,
Peut-être, car l’amour né du rêve le suit,
Sa cendre au nuptial tombeau frémira-t-elle,
Heureuse qu’une étoile ait traversé la nuit.



LE CYPRES


L’obscur cyprès qu’au seuil du jardin a planté
Quelque ancêtre inconnu, dont l’image rustique
Est vénérée encore au foyer domestique,
Se découpe sur l’or du ciel ensanglanté.

C’est l’heure où cependant un rossignol suave,
Invisible dans l’épaisseur de l’arbre noir,
De son timbre splendide émerveille le soir,
Et chaque note ailée en mon âme se grave.

Or, la voix nuptiale éclate, vibre, luit,
Et je cherche ébloui quel féerique mystère
Mêle, afin de charmer le crépuscule austère,
Tant de lumière harmonieuse à tant de nuit.



SOUVENIRS


J’ai goûté la douceur limpide de ton ciel
Et le murmure frais qui coule avec ton fleuve,
Contrée harmonieuse où l’idéal s’abreuve,
Où chaque heure voit naitre un rêve essentiel.

J’ai longuement erré sous tes grands lauriers-roses,
Dans des jardins si beaux qu’on songeait aux élus ;
Mais à présent, pays sacré, je ne sais plus
Si j’ai vécu ces jours, si j’ai connu ces choses.