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dans le même sens que les nouvelles doctrines religieuses. Les artistes de la belle période Tang aimaient les conceptions puissantes et les exécutions vigoureuses, cherchant principalement à faire de la peinture « un écho de l’esprit » (Ch’i yün), à exprimer au moyen du pinceau les qualités essentielles de l’âme, suivant en cela le premier des principes enseignés dès la fin du Ve siècle par Sie-ho.

Un des plus anciens en date des « dieux en colère » est le Kongo Rikku (un des cinq vidya-rajas) attribué à Kukai (nom posthume : Kôbô Daishi, 774-835), le grand apôtre de la secte Shingon et en même temps peintre et calligraphe distingué. Cette œuvre avait été prêtée à l’exposition anglo-japonaise de 1910 par les temples du Kôyasan dans la province de Kii auxquels il appartient d’une manière indivise et elle figure dans le catalogue publié à cette occasion sous le n° 1. La divinité accroupie sur un trône en forme de fleur de lotus largement ouverte est entourée de flammes stylisées d’une très curieuse façon. Celles-ci ressemblent à certains très anciens motifs qui existent sur les poteries et les miroirs chinois de l’époque Han. L’auréole est faite d’autres flammes en spirales. Malgré ses yeux exorbités et ses dents saillantes, l’image du dieu est loin d’être aussi terrible que celles de deux Ki Fudô conservés au Manjuin du Onjôji. Si l’on en croit la légende, l’un de ceux-ci aurait été exécuté en 838 par le prêtre Kukô sur l’ordre de Enshin, à la suite d’un songe de ce dernier, et sa vue porterait malheur.

L’autre, reproduit dans le Kokka (n° 240, mai 1910), est debout sur un rocher. Tous ses muscles saillans rendus d’une façon conventionnelle, mais très vigoureuse semblent tendus pour l’effort, sa face est crispée dans un terrible rictus qui retrousse la lèvre supérieure sur des crocs effrayans : c’est une bête fauve divine que cet exécuteur des hautes-œuvres du Bouddha. Les contours sont exécutés au trait vermillon ainsi que tous les muscles et les trois plis quasi canoniques du cou. Les tons neutres bistre, brun et verdâtre de l’ensemble sont rehaussés par le vêtement rouge qui tombe de la ceinture et par les applications d’or des bijoux. Non moins célèbre que les deux précédens est un troisième Fudô du Myô-ô-in sur le Kôyasan. Celui-ci est dû au prêtre Enchin que l’on connaît surtout sous son nom posthume de Chishô-Daishi (814-892), qui était le propre neveu de Kukai et, comme ce dernier, voyagea en Chine où il resta