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six années. A son retour, il fonda la branche Jimon de la secte Tendai et fut successivement supérieur des bonzes de plusieurs temples. Son Fudô, connu sous le nom de « Fudô rouge » à cause de la couleur donnée à son corps, est considéré comme une des œuvres les plus caractéristiques de l’art inspiré par la doctrine de l’ésotérisme. Son attitude diffère beaucoup de celle des autres images divines énumérées ci-dessus. Le peintre a voulu donner l’impression de la puissance calme mais irrésistible et fatale. Il est assis sur un rocher dans la pose du latita, la jambe droite pendante et la gauche repliée, le coude appuyé sur la pierre. Dans sa main droite, il tient le glaive entouré d’un dragon et dans la gauche le lacet. Un de ses deux jeunes assistans possède un aspect enfantin plein de candeur. C’est un lointain descendant des jeunes princes accompagnateurs de Shôtoku-Taishi dont nous avons déjà eu l’occasion de parler : Par là le vieux courant artistique coréen, en voie de transformation japonaise, manifeste sa grande vitalité.

L’archipel recevait d’ailleurs encore des émigrans coréens. L’un d’entre eux, demeuré célèbre : Kudara Kawanari (782-853) était tout à la fois un soldat et un peintre. Les ouvrages anciens racontent qu’il fut souvent appelé au palais impérial pour le décorer, ses peintures étant fort admirées pour leurs qualités de mouvement et de vie. Il reçut toute une série d’honneurs : vice-gouvernement du Mimasaka (en 823), puis du Harima (ère 834-847) et d’Aki. Quatre volets peints autrefois au Kozôji et appartenant aujourd’hui à la collection Kashiwagi de Tokyo seraient dus à son pinceau.

Dans une image de Zennyô Ryûwô, roi des dragons et en cette qualité grand distributeur de pluies bienfaisantes (temple Kongôbuji, Kokka, n° 227), attribuée à Jôchi disciple peu connu de Kukai, on peut, en revanche, discerner l’influence chinoise Tang très nettement marquée. Celle-ci se manifeste dans la distinction sévère de l’ensemble, dans la sobriété du geste du génie et dans l’ordonnance parfaite des draperies.

Parmi les plus belles « divinités tranquilles » de la première moitié du IXe siècle, le portrait de Yemmaten (Yama Deva ; Kokka, n° 221, octobre 1908) de la collection de M. Tomitaro Hara, doit être cité. Le dieu assis sur son bœuf témoigne d’une grâce hautaine. Son visage régulier, ses yeux demi-fermés surmontés de sourcils en arc parfait expriment un idéal plein de