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Le coloris de Yoshimitsu et de Takakane, comme de En-i, demeure généralement clair et sans empâtement. Ces maîtres apportent toute leur attention à rendre la perspective aérienne. On a souvent fait remarquer la manière conventionnelle dont paraissent figurés les nuages que certains ont comparé à des doigts de gant. Pour expliquer ce procédé très particulier nommé Kou-le en Chine, il y a tout d’abord lieu d’observer que, dans les pays de brouillard tels que le Japon, on voit fréquemment de longues bandes brumeuses flottant en l’air et desquelles émergent les sommets des arbres, comme dans les makimonos des maîtres Tosa.

En outre, M. Sentarô Sawamura, dans une étude publiée par le Kokka, a réuni les quelques remarques suivantes très intéressantes à recueillir de la bouche d’un Japonais. Le procédé Kou-le aurait été souvent employé en raison de la difficulté de figurer dans leur entier les montagnes élevées, par suite du peu de hauteur relative des makimonos : on a alors caché leurs sommets dans les nuages, chose d’ailleurs fréquente dans la réalité. On s’en serait encore servi quelquefois pour séparer les unes des autres les diverses scènes d’un même makimono ; ou encore comme d’un moyen décoratif destiné à intensifier le reste du coloris par le contraste des masses grises des nuages ; ou, au contraire, afin d’atténuer par leur superposition des couleurs trop violentes. Par la suite, des représentans d’autres écoles, et en particulier Kano Motonobu dans ses illustrations de légendes, adoptèrent le même procédé.

Dans l’art du portrait de la fin de l’époque de Kamakura s’accomplit une transformation analogue à celle du paysage. Les enduits de couleur blanche formant le fond des visages durant la période précédente, disparaissent dans les œuvres influencées par les Song. On vise davantage au réalisme : l’emploi des couleurs légères et des ombres permet de mieux individualiser les traits des personnages. Ces progrès s’observent dans le remarquable portrait du prêtre Daitokushi remontant au milieu du XIVe siècle (Kokka, n° 233, décembre 1909) et conservé au temple Daitokuji de Kyôto. L’auteur inconnu a atteint la plus grande intensité d’expression dans cette physionomie très fouillée tout illuminée d’intelligence et d’énergie. Combien, à côté de cette œuvre magistrale, parait conventionnel et froid le portrait de l’empereur Godaigo du même temple, exécuté suivant les