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intentions précises. Sa démarche est de nature à contribuer au maintien du statu quo oriental, sans qu’il soit besoin pour cela de mettre en mouvement l’appareil compliqué du concert européen.

Dès le retour de M. Poincaré à Paris, la France a adhéré à la proposition autrichienne, comme elle adhérera à toutes celles qui pourront contribuer au maintien de la paix dans les Balkans, ou à son rétablissement entre l’Italie et la Porte : mais, naturellement, elle ne fera rien sans s’être entendue avec la Russie et l’Angleterre, son alliée et son amie. L’intention principale qu’a eue M. Poincaré dans son voyage à Saint-Pétersbourg a été, en effet, non pas tant de resserrer l’alliance qui n’en avait pas besoin, que d’en régulariser l’exercice qui s’était peut-être relâché depuis quelque temps. Ce résultat, s’il est obtenu, aura mis plus de clarté dans la situation respective des puissances : il facilitera par là des solutions que personne aujourd’hui ne peut imposer et qu’on ne peut dès lors obtenir que grâce à une bonne volonté commune. On vient de voir, par le tableau dont nous avons rapidement esquissé les traits, combien il est désirable que cette bonne volonté soit à la fois assez énergique et assez prudente pour parer au mal sans risquer de l’aggraver.


Si la situation de l’Orient intéresse toute l’Europe, celle du Maroc nous touche particulièrement et elle est loin d’être rassurante : elle est d’ailleurs ce que, depuis plusieurs années, nous avons prévu et annoncé qu’elle serait inévitablement à la suite de la politique où nous sommes entrés. Cette politique nous a imposé des obligations auxquelles nous devons faire face, puisque nous en avons pris l’engagement, et, sans plus récriminer sur le passé, ce qui serait désormais bien inutile, nous demandons au gouvernement de pourvoir aux impérieuses nécessités du présent. La France doit remplir avec honneur la tâche qu’elle a revendiquée et que, à la suite de cette revendication, les puissances lui ont attribuée. Pour cela il est de plus en plus manifeste que les troupes dont le général Lyautey dispose ne sont pas suffisantes : il faudra en augmenter le nombre et probablement le doubler. Puisqu’il le faudra, et que personne n’en doute, pourquoi ne pas le faire tout de suite ? Combien de fois n’avons-nous pas entendu critiquer le système des petits paquets qui finit par être le plus coûteux et le plus onéreux de tous, en même temps qu’il nous donne une apparence, — est-ce seulement une apparence ? — d’hésitation et de faiblesse ? Allons-nous retomber dans ce système ? Allons-nous nous embourber dans cette ornière ?