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— Est-ce qu’il viendra, cette année ?

Marthe, loin d’être choquée, leva ses yeux vers Étienne et gravement répondit :

— Oui, je le crois, je l’espère !

Ce ne fut qu’un regard après lequel Marthe baissa les yeux. Les paroles n’ajoutèrent rien, Étienne était renseigné. Marthe aimait toujours Maxime. Il s’en doutait. Maintenant, il en était certain. Marthe aimait Maxime. Marthe aimait Maxime ! Les mots scintillaient dans son cerveau. Il les avait sur le bout des lèvres. Il faillit les prononcer tout haut pour que tout le monde désormais le sût : pour que le chemin, les arbres, les bêtes, les gens, toute la vallée en fussent informés. Marthe aimait Maxime ! Elle l’avait aimé dès son apparition à Filaine. Il était venu et il l’avait conquise, à jamais…

Marthe reprit sa promenade dans le chemin. Étienne se mit à marcher près d’elle simplement. Cette présence atténuait délicieusement sa peine. Ils allaient l’un près de l’autre, sans échanger une parole. Étienne n’était point jaloux des pensées de Marthe. N’avait-il pas la jeune femme à lui pour quelques précieux instans ? Pourquoi les gâter par de vilains sentimens ? Quant à Marthe, elle se sentait en sécurité auprès d’Étienne et elle cherchait comment le lui dire. Ce besoin n’était-il pas plus qu’un accord entre parens, plus que de la camaraderie,… de l’amitié véritable ?

Dans la voiturette, ses petites mains tendues vers le ciel, vers les rameaux des arbres, vers les oiseaux qui traversaient ses regards, Marie-Paule gazouillait, s’agitait sur ses coussins, riait de tout de son cœur. On eût dit qu’elle avait conscience de la splendeur de tout ce qui l’entourait et que paraissaient ne pas voir ses compagnons.

La Vallée Bleue, en avril, est un émerveillement. Les chênes n’ont pas encore daigné revêtir leur costume nouveau. Ce sont les rois des arbres et toute la nature se fait belle pour assister à leur petit lever. Les ormes, les frênes, les noisetiers sont en habits vert tendre ; les pruniers et les cerisiers en robe blanche. Les chemins d’herbe se constellent de pâquerettes au cœur d’or, les fossés de renoncules jaunes. C’est partout la fête de la jeunesse et du renouveau. On dirait que l’air est plus pur ; sous leur toit de paille, couronné de lances d’iris, les chaumines les plus pauvres sourient au soleil revenu.