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galbe et ses formes puissantes, il lui donnera une expression achevée et un caractère définitif.


III


Précisément à l’heure où le peuple des États-Unis, en pleine possession de lui-même, commence à remplir son vaste territoire, au moment où il se met à déborder sur le dehors, au moment où le percement de l’isthme de Panama va faire, de lui, l’arbitre des deux Océans, au moment où, autour de lui, toutes les républiques latines et le Dominion voisin du Canada évoluent vers un avenir qui parait devoir être très rapide et très brillant, il est particulièrement opportun de rechercher ce que l’esprit américain offre d’original au vieux monde et ce qu’il peut, d’autre part, emprunter encore à celui-ci. On ne s’étonnera pas, si, dans cet examen, nous avons surtout en vue les relations de l’Amérique du Nord et de la France.

La France a beaucoup à apprendre de l’Amérique. On parle de faire venir les étudians américains en France : nos jeunes gens gagneraient à passer l’Océan et à séjourner quelques mois ou quelques années en Amérique. Je ne demande pas l’impossible ; je sais combien la vie est pressée, combien les longs sacrifices qu’exige l’éducation des enfans accablent nos modestes fortunes : je ne crois pas qu’un futur notaire, un futur avocat, même un futur médecin praticien, ait beaucoup à gagner dans des études poursuivies à l’étranger ; mais, pour ceux qui ont quelque loisir, et qui, moins traqués par le besoin immédiat, cherchent, surtout, à devenir des hommes, un séjour en Amérique serait la plus tonifiante des cures d’air. Les exemples, la connaissance de certains usages et de certains tours d’esprit, une façon nouvelle d’envisager l’existence, cela, comme on dit, vaut le voyage. Ces voyageurs, s’ils se multiplient, rapporteraient aux sédentaires quelque chose de l’atmosphère d’outre-Atlantique, dans notre pays un peu renfermé et qui aurait tant d’avantages à ouvrir largement les fenêtres.

Le bénéfice de cette « ventilation, » il est facile de l’indiquer : d’abord, se dépouiller du « préjugé européen, » secouer la veulerie béate qui amollit les nerfs de notre jeune bourgeoisie, devenir par le simple fait du déplacement, des observateurs et des hommes d’action. L’indifférentisme résulte du trantran