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et si l’ordre n’est pas un sacrement, plus de sacerdoce. « L’Église fondée sur la foi n’a pas besoin de hiérarchie extérieure. » Les clefs ont été données à Pierre et en sa personne à toute l’Église chrétienne. » Et comme la fonction ecclésiastique n’est que le ministère de la parole, « tout fidèle est prêtre, » puisque tout chrétien peut recevoir de l’Esprit le don d’interpréter et de comprendre la Parole. En juin 1520, l’Appel à la noblesse allemande consacre cette théorie du sacerdoce universel.

Que reste-t-il donc ? La religion individuelle et l’autonomie de la conscience ? — On l’a dit, et on l’a cru. Et sans doute, poussant à fond certaines de ses idées, Luther fût-il arrivé au libre examen moderne. Mais sa doctrine toute mystique de l’inspiration intérieure ne ressemble en rien à notre subjectivisme. L’idée d’une vérité doctrinale comme d’une société religieuse l’obsède toujours. Sur l’Église historique jetée à terre, l’Église de la foi reste debout.

« Corps métaphorique et allégorique du Christ, » communion de tous ceux qui croient à sa vérité et sont confirmés de sa grâce, indépendante de l’espace, n’étant ni à Rome, ni à Jérusalem, ni même à Wittemberg, mais partout où le chrétien croit et adore, supérieure aux doctrines, aux traditions, aux rites, ouverte aux Grecs comme aux Romains, à Huss comme aux Pères, ne connaissant qu’une hérésie, l’« incrédulité : » la voilà, l’Église universelle et spirituelle qu’il rêve. Et que lui objecte-t-on, qu’il n’est point d’Église sans un principe d’unité et d’autorité ? Ce principe existe. Il est là, pierre angulaire de l’édifice : la parole de Dieu, dont le texte clair, intangible et sacré, s’impose à tous comme une foi et une loi.

Le principe scripturaire, de même que le principe fidéiste, allait donc devenir un des élémens constitutifs du nouvel Évangile. A vrai dire, Luther l’avait trouvé avant lui, et dans le catholicisme même. Jamais l’Église n’avait prétendu imposer une croyance qui ne fût, implicitement ou explicitement, contenue dans l’Écriture. Mais l’Écriture seule !… Cette affirmation, Occam et Huss l’avaient déjà opposée aux pouvoirs ecclésiastiques. Luther va l’incorporer dans sa doctrine. « N’admettre pour juge et pour guide que l’Évangile seul et unique du Christ… Rien au delà de l’Évangile, rien au-dessus de l’Évangile. » Voilà bien la formule du biblicisme intégral. Principe négatif d’abord, point d’appui du théologien dans la lutte contre l’École et