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profondeurs effrayantes où la plupart ne peuvent point jeter les yeux sans vertige, et qui ont arraché à un Pascal tant de plaintes douloureuses et superbes, Poincaré sut les regarder, comme il avait regardé toute chose, sans désespoir inutile, sans préjugés ni folles illusions, avec un simple, profond et clair bon sens, il sut les regarder pour tout dire d’un mot, du coup d’œil de l’aigle……


II. — POINCARÉ MATHÉMATICIEN


« Mes études mathématiques quotidiennes, a dit Poincaré, sont un peu… comment dirais-je, ésotériques, et bien des auditeurs aiment mieux les révérer de loin que de près. » Il disait cela pour s’excuser un jour de parler d’un sujet philosophique ; chaque fois qu’il abordait quelqu’une de ces causeries profondes où il charmait les auditeurs, il éprouvait le besoin de s’en excuser ; et c’est ainsi qu’il savait par sa modestie se faire pardonner, son génie. Quoi qu’il en soit, on me permettra de m’approprier ici la réflexion qu’il fit ce jour-là, et de ne point m’étendre outre mesure sur les travaux purement mathématiques de Poincaré. Au demeurant, une dizaine d’années d’études mathématiques préliminaires suffiront au lecteur curieux de les connaître, et, déjà familiarisé avec les élémens de l’enseignement secondaire, pour lui permettre de les aborder de front.

Si je devais pourtant résumer en quelques traits ce que Poincaré a apporté de nouveau dans les diverses disciplines qui relèvent du calcul, et ce qui lui a valu le titre incontesté de « Princeps Mathematicorum » que le consentement unanime n’avait décerné à personne depuis Gauss, je le ferais ainsi :

En algèbre, en arithmétique où il a introduit la notion nouvelle et féconde des invarians arithmétiques, dans la théorie générale des fonctions, ses découvertes sont multiples et eussent suffi à assurer la gloire de plusieurs mathématiciens.

Mais c’est surtout dans l’étude des équations différentielles que s’est manifesté le génie mathématique de Poincaré, et s’il a dépensé à leur étude une si grande partie de ses ressources intellectuelles, c’est sans doute parce que la plupart des problèmes soulevés par l’étude physique de l’univers conduisent précisément à de telles équations. Newton a le premier montré clairement que l’état d’un système mobile ou plus généralement