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ralisateur et dédaigneux des contingences, ceux qui sont les moins périssables et les plus vastes ; ensuite parce qu’il n’est aucune des branches de la Philosophie naturelle qui livre à la méditation et à la rêverie esthétique des sujets d’une aussi grandiose beauté ; enfin parce que l’astronomie, mère de toutes les sciences, en est encore aujourd’hui la plus achevée, celle qui sait le mieux prévoir les phénomènes.

L’étude de la stabilité de notre univers est depuis deux siècles le problème fondamental de la Mécanique céleste, celui pour la solution duquel le génie mathématique s’est le plus dépensé. Le canton de l’espace où nous vivons, le système solaire est-il stable ? Ces planètes que nous voyons, depuis qu’on les sait observer, décrire invariablement les mêmes orbes majestueux, avec à peine quelques oscillations périodiques autour de leurs positions moyennes, continueront-elles à se comporter de même indéfiniment dans l’avenir ? Ou bien cette machine si harmonieusement agencée, et où nous n’apercevons d’abord aucun signe apparent de destruction possible, doit-elle se disloquer et disparaître un jour ? Telle est la question.

Lorsque Newton eut découvert que l’attraction s’exerce non seulement entre le soleil et les planètes, mais aussi entre les planètes elles-mêmes, — on s’aperçut qu’il en résultait des irrégularités dans l’harmonie du système solaire, et que l’attraction réciproque des planètes déforme légèrement les ellipses parfaites que le soleil seul leur eût fait décrire. Certes, ces déformations étaient légères, à cause de la petitesse des masses planétaires relativement à celle de l’astre central. (Jupiter dont la masse égale trois cents fois celle de la terre, n’a que le millième de celle du soleil.) Mais ces perturbations planétaires, en accumulant avec les années leurs effets déjà observables au temps de Newton, n’arriveraient-elles pas finalement à rompre les ellipses képlériennes ? En tout cas, la simplicité harmonieuse du monde képlérien n’existait déjà plus. Newton fort embarrassé par ces perspectives d’une catastrophe a fait dans son Optique allusion à ces inégalités planétaires « qui, probablement, dit-il, deviendront plus grandes par une longue suite de temps jusqu’à ce qu’enfin ce système ait besoin d’être remis en ordre par son auteur. »

En 1772, Laplace crut pouvoir dissiper ces appréhensions ; il montra que les inégalités séculaires des élémens des pla-