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de supposer les anneaux formés d’une multitude de satellites très petits et gravitant indépendamment. On sait comment l’analyse spectrale a vérifié depuis cette merveilleuse induction du génie mathématique !

Les détails qui précèdent ne se rapportent qu’à une faible partie de l’œuvre purement scientifique de Poincaré ; analyser même superficiellement toute celle-ci demanderait, tant elle est vaste, des volumes. Mais avant de porter nos pensées vers une autre partie de son œuvre, celle où il se révèle philosophe, ce n’est point sans une sorte de remords que je me vois obligé par les limites même de cette étude de passer sous silence toutes les belles découvertes qu’il a généreusement, — je dirais presque, si j’osais, indifféremment, — et avec une maîtrise toujours égale, répandues dans les sciences en apparence les plus disparates, aussi bien en optique ou en thermodynamique qu’en électricité et en astronomie : soit qu’il fouille d’un coup de sonde hardi, les rapports de la matière et de l’éther ; soit que, assimilant les millions de soleils de la Voie Lactée aux molécules d’une bulle de gaz, il leur applique la théorie cinétique et nous ouvre sur l’univers stellaire des aperçus étonnans ; soit que, dans le rayon de lumière d’une planète, il nous apprenne à lire tout à la fois le mouvement du soleil qui envoie ce rayon, celui de l’astre qui le réfléchit, celui de la terre qui le reçoit… Mais il faut se borner, ou plutôt, quand on parcourt une belle et vaste forêt pleine d’essences variées, il ne faut point s’attarder seulement aux premiers ombrages rencontrés, sûr que d’autres plus loin sauront aussi bien et sur des rythmes nouveaux faire vibrer nos tendresses et enchanter nos yeux.


IV. — L’ ŒUVRE PHILOSOPHIQUE DE POINCARÉ


De la Science à la Philosophie il n’y a même point un pas à franchir, tant elles se côtoient et se pénètrent. Les Grecs n’avaient qu’un seul mot pour exprimer l’une et l’autre. Les Anglais encore aujourd’hui appellent Natural philosophy l’étude physique de l’univers. Poincaré ne pouvait échapper à cette tendance qui, de Démocrite à d’Alembert, a porté tous les grands ouvriers des sciences exactes à réfléchir, au déclin de leur journée, sur les mystères primordiaux de l’étrange Univers où passent, éphémères, nos pensées. Quand sur le fronton du