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syndicats, beaucoup aussi ne sont pas déjà sur la pente qui y conduit. Leurs meneurs se sont vantés, dans de nombreuses interviews, d’avoir depuis quelques années doublé, triplé, quadruplé leurs effectifs. Il est certain que le mouvement qui porte les instituteurs vers les syndicats s’accélère : il ne tarderait pas à se précipiter si le gouvernement n’intervenait pas pour l’arrêter.

Le gouvernement est intervenu : il a fallu qu’un grand scandale éclatât à Chambéry pour l’y décider, mais enfin il a fait son devoir et se montre résolu à y persévérer. Le Congrès avait pour objet de s’occuper des intérêts professionnels et surtout matériels des instituteurs, ce à quoi il n’y a rien à dire ; mais il ne s’en est pas tenu là et, entre autres décisions, il en a pris deux qui devaient révolter la conscience publique et faire enfin sortir le gouvernement de sa longue patience. La première a été celle de participer à l’œuvre du « Sou du soldat, » avec cette aggravation que, dans les villes où il y a une Bourse du travail, c’est là que les versemens devaient être faits. La seconde a consisté dans le rattachement, dans l’affiliation des syndicats d’instituteurs à la Confédération générale du travail, si connue sous l’abréviation de C. G. T. Le « Sou du soldat » a pour but de maintenir l’homme sous les armes en rapport avec les groupemens auxquels il appartenait avant d’entrer dans l’armée et de combattre les influences nouvelles qui pourraient s’y exercer sur lui au moyen d’une propagande qu’il doit à son tour propager parmi ses camarades. Quant à la Confédération générale du travail, tout le monde connaît son origine, ses tendances et ses exploits. La mesure était comble ; le gouvernement a pris rapidement les mesures nécessaires. Il n’a pas admis que les instituteurs, entrant dans l’armée de la guerre sociale, se missent en première ligne des combattans. Connaissant, comme tout le monde, le caractère haineux, anti-militariste, anti-patriote des institutions auxquelles les syndicats du Congrès de Chambéry se sont étroitement rattachés, il a compris que la faiblesse coupable qui avait été montrée envers ces syndicats deviendrait criminelle en se prolongeant. Une autre considération a agi sur lui. Bien qu’il y ait une grande exagération dans ce qu’on dit du péril que l’agression de ses adversaires fait courir à l’école laïque, il entre dans les intentions du gouvernement de la défendre contre un ennemi figuré ; cela fait partie de son programme et s’impose probablement à lui comme une nécessité de sa situation. Mais le caractère d’une école se manifeste aux yeux du public beaucoup moins par son enseignement que tout le monde ne voit pas, que par ses maîtres lorsqu’ils se mettent en