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gereux et les seconds inoffensifs, nous semblent bien attacher plus d’importance à l’apparence qu’à la réalité : espérons que le gouvernement ne se laissera pas jouer. Enfin, si certains syndicats se soumettent, d’autres résistent : ceux de la Seine, par exemple, ont déclaré fièrement que cette attitude était la seule qui convînt à leur dignité. De quel côté est la majorité ? Il semble bien qu’elle soit du côté de la soumission, mais nous n’avons pas encore de statistique définitive. Le 10 septembre est passé : des poursuites vont donc être intentées contre les syndicats récalcitrans et les tribunaux prononceront.

Dès maintenant l’attitude du ministre a fait réfléchir beaucoup d’instituteurs qu’on avait trompés, égarés, que [les faiblesses des gouvernemens antérieurs avaient fait ivre dans l’illusion de leur propre puissance, mais qui, mieux renseignés, se ressaisissent déjà. On n’avait entendu jusqu’ici que le mot d’ordre des syndicats : quoi d’étonnant s’il a été suivi ? Le gouvernement se taisait et demeurait inerte, mais voilà que tout d’un coup il parle et agit. Il suffit qu’il exerce son autorité pour la retrouver. Bien des choses changeront s’il se ressaisit à son tour et remplit enfin sa fonction qu’il avait désertée. Les lois prendront un aspect nouveau si on les applique : on y trouvera des ressources insoupçonnées. Mais qu’il fût temps pour le ministère de faire enfin acte d’autorité, le scandale de Chambéry n’est pas seul à nous en fournir la preuve. Il y a une « Fédération nationale des associations professionnelles des employés de l’État, des départemens et des communes, » qui comprend 96 000 instituteurs, 5 000 employés d’octroi, 14 000 douaniers, 22 000 sous-agens des postes, 9 000 agens des contributions indirectes, 18 000 employés civils de la guerre, d’autres encore, en tout 300 000 fonctionnaires, un État dans l’État, contre l’État. Le Conseil de la Fédération, revendiquant très haut pour tous les fonctionnaires le droit de se grouper sous la forme syndicale, déclare qu’il regrette la restriction apportée à l’exercice de ce droit par les instituteurs et « revendique plus énergiquement que jamais le bénéfice de la loi du 21 mars 1884. » Cette revendication, ces regrets resteront-ils platoniques ? Annoncent-ils des actes, et lesquels ? Nous restons convaincu que, si le gouvernement continue de montrer la même fermeté, tout s’ordonnera autour de lui et relativement à lui. Mais que de choses à réparer ! Les fonctionnaires de la Fédération nationale etc., etc., craignent évidemment qu’après avoir refusé aux instituteurs le droit de se syndiquer, on le leur conteste aussi. La situation des uns et des autres est la même en effet, et il n’y a aucune raison de tolérer chez ceux-ci ce qu’on ne tolère plus chez ceux-là : la loi de 1884 est la