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son tour l’empereur d’Allemagne ; les rapports des deux pays sont restés le lendemain exactement ce qu’ils étaient la veille : hâtons-nous de dire qu’ils étaient excellens, comme le sont les rapports de l’Allemagne et de la Suisse. Ces visites sont bonnes en soi ; elles permettent aux sentimens amicaux de se manifester ; mais il est bien rare qu’elles apportent un changement à la politique générale. Est-il besoin de dire que l’empereur Guillaume le savait parfaitement ? Il a paru vouloir lui-même enlever toute signification politique à son voyage en ne se faisant accompagner par aucun de ses ministres : il est allé seul en Suisse, suivi de quelques officiers, et tout fait croire qu’il s’est seulement proposé de voir l’armée suisse et d’assister à ses manœuvres.

L’intérêt qu’il y a pris s’explique fort bien. L’armée suisse repose sur des bases très particulières ; c’est une milice, admirablement organisée et exercée il est vrai, mais enfin une milice, et il est tout naturel que l’empereur Guillaume ait désiré la voir de près, sans autre intention que celle de s’instruire. L’armée suisse convient à la Suisse, à la configuration du pays, aux nécessités de sa défense, au caractère de ses institutions : ce n’est pas un modèle pour les autres, mais tous peuvent y trouver des exemples à méditer : il y a là une manifestation de force vraiment virile, qui rend la Suisse actuelle digne de celle d’autrefois dans ses meilleurs temps. La visite de l’empereur devait d’ailleurs être agréable à la Suisse, comme l’est toujours celle d’un voisin très puissant, lorsqu’il est en même temps un ami, et l’homme, on le sait, est assez séduisant par lui-même pour qu’il soit toujours assuré de plaire. L’accueil qu’il a reçu a donc été partout très sympathique et particulièrement chaud dans la partie allemande de la Suisse, à Zurich notamment. La visite s’est terminée comme toujours par un banquet suivi de discours. Le président de la Confédération, M. Forrer, a souhaité la bienvenue à l’Empereur et l’a remercié de sa visite dans les termes les plus courtois, puis il a dit : « L’intérêt sympathique que Votre Majesté prend à nos institutions militaires nous cause une grande satisfaction. Nous avons la ferme résolution de défendre contre toute attaque notre indépendance, qui est notre bien suprême, et de sauvegarder notre neutralité contre quiconque ne la respecterait pas. Pour atteindre ce but, une bonne armée, toujours prête, nous est indispensable : une de nos tâches primordiales est de nous la donner, et nous y travaillons de toutes nos forces. Notre histoire, la forme de notre État et notre organisation sociale nous ont amenés à adopter le système des milices. Nous en connaissons les lumières et les ombres… » Ce langage fait