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à la fois de simplicité, de modestie et de fierté a produit une heureuse impression. Au surplus, personne ne menace l’indépendance de la Suisse. Quelques jours plus tard, M. de Freycinet, qui est actuellement à Ragatz, a été interviewé par surprise et a eu besoin de rectifier quelques-uns des propos qu’on lui avait prêtés ; mais sur un point, il les a confirmés en disant que jamais une violation de la neutralité suisse par l’armée française n’était entrée dans les calculs de nos autorités militaires : le contraire, a-t-il ajouté, « est une légende qu’on cherche à accréditer chez nos voisins et que nous avons intérêt à détruire. » Nous ne soupçonnons personne de préparer un pareil méfait, mais nous demandons qu’on ne nous en soupçonne pas nous-mêmes.

La réponse de l’empereur Guillaume à M. Forrer a été très éloquente. On sait que l’Empereur se plaît à évoquer les souvenirs historiques : la Suisse en fournit en abondance à ceux qui aiment l’énergie guerrière : on peut choisir parmi tant d’exploits d’où est sortie cette indépendance si chère à la Suisse d’aujourd’hui. Mais l’Empereur n’a pas parlé seulement des choses militaires. Pouvait-il ne pas faire allusion aux liens de toute sorte, matériels, intellectuels et moraux, qui rattachent à l’Allemagne mie grande partie de la Suisse ? n n’a pas manqué de le faire et il en a conclu que les deux pays devaient « vivre à côté l’un de l’autre dans une amitié cordiale et constante. » « Depuis bientôt vingt-cinq ans, a-t-il dit en finissant, j’ai toujours été un bon ami de la Suisse et, autant que cela dépendra de moi, je ne cesserai de le demeurer. » Ce langage a été certainement apprécié comme il devait l’être. Cependant, parmi les objets matériels échangés entre les deux pays, la Suisse a pensé peut-être qu’il y en avait quelques-uns qui lui étaient imposés avec trop d’abondance ; mais ce sont là des ombres dans un tableau qui a été brillant et sur lequel la parole de l’Empereur a jeté des couleurs très vives. Cette fête laissera un souvenir agréable à ceux qui y ont pris part. Quant aux rapports de la Suisse et de l’Allemagne, ils resteront ce qu’ils sont, comme sont restés ceux de la Suisse et de la France après la visite de M. Fallières. La Suisse tient à vivre en bons termes avec tous ses voisins. Elle sait bien que, si son indépendance trouve dans son armée une garantie très efficace, elle en a une autre qui ne l’est pas moins dans la sympathie, l’estime et la confiance qu’elle inspire à tous.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.