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bruit de son savoir-faire se répandit partout, et ce ne fut pas sans plaisir qu’un jour Morier entendit un chef de gare, pendant qu’il traversait la France, le désigner ainsi à haute voix : « C’est le grand ambassadeur qui a roulé Bismarck ! »

Le rude climat de la Russie et un labeur assidu fatiguèrent sa constitution pourtant fort robuste. Sur les instances du tsar Alexandre qui lui témoignait une amitié et une estime particulières, il consentit à rester quelque temps encore à Saint-Pétersbourg, mais la mort prématurée de son fils unique Victor-Albert-Louis, frappé en 1892 à l’âge de trente-six ans, l’affecta profondément. Un an après, il succombait à Montreux, entouré de toute sa famille. Il s’était marié en 1861 avec la fille du général Joachim Peel et avait trouvé joie et consolation dans cette union parfaite. Ces quelques lignes tracées pour donner immédiatement une idée de la personne et du caractère de sir Robert Morier seront sur certains points complétées par des renseignemens précis que nous trouverons dans les Mémoires dont nous allons nous occuper.



Les divers chapitres de ces Mémoires portent sur les parens de Morier, son enfance, ses études à l’Université d’Oxford, ses voyages en Suisse et en Allemagne, ses premiers essais de diplomatie à Vienne et à Berlin, le conflit constitutionnel soulevé dans la Hesse électorale et les affaires du Schlesvig-Holstein, le traité de commerce austro-anglais, la guerre de 1866, la légation de Darmstadt, la guerre de 1870, les légations de Stuttgart et de Munich, les rapports de la Prusse avec le Vatican et l’Alerte de 1875. Des écrits littéraires et politiques, des aperçus sur la diplomatie, complètent la physionomie attrayante du politique, du diplomate et de l’écrivain qu’était sir Robert Morier.

Je n’ai point la prétention de donner au lecteur le détail de tous ces sujets qui les uns et les autres offriraient un réel intérêt, mais j’ai fait choix des pages où il est question de la guerre de 1870, de l’Alsace-Lorraine et de l’Alerte de 1875, questions toujours actuelles et qu’on ne saurait trop étudier. On y verra que, surtout au début de la guerre, les sympathies de Morier n’étaient pas pour nous, mais que, à mesure qu’elle continuait, il perdit quelques-unes de ses illusions sur les vainqueurs et même sur la politique de son propre pays. Le lecteur trouvera peut-être