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le gouvernement de la République s’y soit employé pour son compte avec une loyauté et une activité auxquelles on a rendu justice. M. Poincaré a profité d’une occasion qui s’est présentée au moment le plus critique et qui a paru favorable. M. Sasonoff, revenant de Londres, est arrivé à Paris au moment où les quatre États balkaniques ont décrété leur mobilisation. La réunion des ministres des Affaires étrangères des deux grandes nations alliées, la Russie et la France, créait une opportunité dont il fallait profiter. MM. Poincaré et Sasonoff ont donc pris des initiatives rapides, sentant bien qu’elles ne pouvaient être efficaces qu’à la condition d’être immédiates. On va plus vite dans une conversation qu’on ne peut le faire lorsqu’on échange des télégrammes. Il a fallu, bien entendu, en échanger avec les autres gouvernemens européens, mais l’accord déjà établi de la France et de la Russie était une force en même temps qu’une abréviation. Cet accord s’est fait sur des bases très simples, celles que le bon sens indiquait et recommandait dans l’état où étaient les choses. Puisqu’on voulait, si c’était encore possible, empêcher la guerre entre les États balkaniques et la Porte, il fallait intervenir auprès de celle-ci pour lui imposer l’obligation de faire les réformes nécessaires, et auprès de ceux-là pour leur faire connaître la volonté de l’Europe, leur promettre ce qu’ils pouvaient légitimement espérer de la victoire, à supposer qu’elle se prononçât à leur avantage, et leur notifier très nettement, très résolument que, même dans cette hypothèse, ils n’obtiendraient pas davantage. On les prenait au mot : ils demandaient des réformes pour la Macédoine, l’Europe leur donnait l’assurance qu’elles seraient faites. Il ne s’agissait plus cette fois d’un engagement de la Porte dont ils étaient en droit de se défier, mais d’un engagement solennel des puissances, pris dans de telles conditions que leur honneur serait intéressé à son exécution. Rien de moins, mais rien de plus : quel que fût le dénouement de la guerre, si elle éclatait, l’Europe ne tolérerait pas que le statu quo balkanique fût modifié. Elle réprouvait d’ailleurs très formellement tout recours à la force. Tel est le langage qui devait être tenu à Sofia, à Belgrade, à Athènes et à Cettigné d’une part, à Constantinople de l’autre : c’était bien là ce qu’il fallait dire, ce qu’il fallait faire, ce qu’il fallait tenter. Toutes les puissances l’ont compris, et elles ont adhéré à la rédaction franco-russe avec quelques nuances que nous allons indiquer. De cet accord, quelque fugitif qu’il ait été, espérons que quelque chose subsistera. Il y a tant d’incertitudes, tant de hasards dans la (guerre, qu’il est impossible de dire d’avance ce que deviendront les résolutions des puissances lorsque le sort des