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pour y atteindre. Chez Raphaël et Castiglione, le but était le même : donner l’image de l’équilibre, du naturel, de la mesure dans un être beau, sain, vigoureux, et cela sans effort. Nous ne savons ce qui put se dire, il y a quatre cents ans, durant les heures de pose, dans le palais du Borgo Nuovo, par les chaudes après-midi de septembre ; la porte était si sévèrement : consignée que l’ambassadeur de Ferrare, lui-même, ne pouvait pénétrer. Mais le livre est là, comme le portrait lui-même, bien vivant quoiqu’on n’ait pas cru devoir le traduire en français depuis longtemps. Il faut lire le Cortegiano de Castiglione devant le Castiglione de Raphaël : c’est la même pensée en deux langues.

Il n’a pu y avoir désaccord sur le costume. « Le vrai est que pour moi j’aimerais qu’il ne fût extrême en rien, ni comme le costume français par son trop d’ampleur, ni comme l’allemand par son trop d’étroitesse, mais plutôt comme l’un et l’autre corrigés et ramenés à une meilleure forme par les Italiens… Il me plaît, aussi, qu’il tire toujours un peu plus sur le grave et le sombre que sur le gai, car il me semble qu’une plus grande grâce est donnée aux vêtemens par la couleur noire que par aucune autre, et si ce n’est pas le noir, qu’au moins il tire sur le sombre : j’entends le vêtement ordinaire, car il n’y a pas de doute que, par-dessus les armures, siéent mieux les couleurs ouvertes, claires, gaies, et aussi les vêtemens joyeux, dentelés, pompeux et superbes, mêmement dans les spectacles publics, fêtes. jeux, mascarades et choses semblables, parce que les choses mi-partie portent, en elles, une certaine vivacité et ardeur, qui s’harmonisent bien avec les luttes et les jeux, mais, pour le reste, je voudrais que le costume témoignât de cette gravité que garde si fort la nation espagnole, car les choses extérieures portent témoignage des intérieures… » Ainsi parle l’humaniste, et même à la guerre, tiraillé entre mille soucis, occupé à batailler contre Bayard, du côté de Lodi, il mande à sa mère de lui envoyer un « vêtement de damas noir bordé de martre. » Raphaël n’a pas eu besoin d’aller chercher, bien loin, la plus parfaite de ses harmonies en noir, en gris et en blanc ; la tenue habituelle de son modèle la lui fournissait.

Il n’y a pas eu désaccord, non plus, sur la pose : « Il me semble que les manières des Espagnols s’accordent davantage avec les Italiens que celles des Français, parce que cette gravité tranquillev qui est le propre des Espagnols, me parait nous