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jours de repos lui ont permis de se refaire de la fatigue des marches forcées. Ses mouvemens sont un peu gênés par les ravins escarpés de ce pays montagneux, coupé et boisé. L’habileté du prince sera d’en tirer parti. On le trouve partout dans cette journée du 23 août, où se livre le combat de Grummingen, en tête, en queue, au centre des colonnes, luttant avec énergie contre des forces supérieures et leur tenant tête. Il porte lui-même ses ordres au milieu du feu, et prodigue sa vie, comme ses moindres officiers, dans une défense acharnée.

À cette journée, la tactique de Lissa, de Liegnitz et de Torgau est impuissante. Le général français semble deviner les manœuvres qu’elle lui oppose, les pièges qu’elle lui tend et il les déjoue par l’art, la méthode et la vivacité de ses ripostes. Il excelle surtout à poster son artillerie. Elle fait un feu si bien dirigé qu’elle démonte les pièces du Prince héréditaire et culbute ses deux bataillons de grenadiers de soutien. « On voyait du landwehrt, dit la relation française, les mouvemens qu’il se donnait et l’ébranlement de ses troupes. » Le landwehrt, c’était le retranchement romain. C’est encore contre les Germains que ce rempart servit ce jour-là. Le prince de Condé ne s’en laissa pas déloger.

Le duc de Brunswick, bien qu’il n’eût pu suivre de près l’armée française depuis son départ de Cassel, car il s’avançait avec la lenteur compassée des Allemands, était en pleine marche avec toute son armée, pour s’approcher de son neveu et le soutenir par un second échelon.

Le lendemain du combat de Grummingen, 24 août, à deux heures du matin, le Prince héréditaire, n’ayant plus de canons disponibles, prit le parti de se retirer en abandonnant plusieurs pièces d’artillerie et tous les blessés, sans attendre le secours de son oncle. Condé s’empara de ses plus belles pièces, et, prenant alors bravement l’oiïensive, poursuivit l’arrière-garde de l’ennemi par ses troupes légères, appuyées des dragons et de deux brigades d’infanterie. La poursuite atteignit ainsi le pont du Wetter. « La bonne contenance du prince de Condé en a imposé au Prince héréditaire, » écrivait le lendemain au ministre le maréchal de Soubise, avisé par une estafette du résultat de cette première journée et tout fier de signaler la victoire de son gendre[1].

  1. Du camp de Maberzel, 21 août 1762. Dépôt de la Guerre, vol. 3612, f° 235.